Zouréhatou Kassah-Traoré, Ministre des Infrastructures et des Transports
La ministre des Infrastructures et des Transports Zouréhatou Kassah-Traoré | Photo : DR

Combien de temps encore ceux qui disent représenter le peuple vont garder un silence dérangeant sur cette alerte ? Pourquoi parmi eux, personne ne veut oser interpeller le ministre du Commerce afin que les quantités de produits pétroliers commandées à chaque fois par le Togo soient sues de tous et que, ce faisant, tout contribuable réalise que les fonds prélevés sur chaque hectolitre de super et de gas-oil couvrent largement les besoins financiers en entretien routier ?

L’exécutif gouverne et le législatif contrôle l’action de l’exécutif. Et quand il y a des alertes sur un pan de la gestion de la chose publique, il revient à ceux qui parlent et agissent au nom du peuple de se faire les porte-voix des lanceurs d’alerte pour interpeller qui de droit et exiger des explications. Parce que dans la structure des prix des produits pétroliers au Togo, il existe une rubrique dont les prélèvements devraient couvrir largement les besoins en entretien routier sur toute l’étendue du territoire national.

Le 18 novembre 2021, Kassah-Traoré Zouhératou, ministre des Transports a tenu une réunion de programmation pour dégager le projet de budget-programme pour l’entretien routier en 2022. Et à l’issue des travaux, le coût estimatif pour cet entretien s’élève à 30.609.300.000 FCFA et la Société autonome de financement de l’entretien routier (SAFER) est chargée de mobiliser cette somme via les postes de péage et les augmentations récemment imposées par le gouvernement.

« J’exhorte tous les partenaires et acteurs impliqués dans le processus de gestion de l’entretien routier à prendre un nouvel élan qui doit se caractériser désormais par une transparence dans le processus de passation des marchés sans perdre de vue les paramètres de qualité, de coût et de délai dans l’exécution des travaux. La SAFER quant à elle, conformément à son agenda, devra redoubler d’ardeur pour assurer le financement de l’entretien du réseau routier national», demande la ministre.

Les chiffres rendus publics font état d’une mobilisation par la SAFER de 30 milliards à la date du 15 novembre 2021 pour sa participation aux frais d’entretien routier de cette année. Contre 21 milliards en 2020. Et d’aucuns parlent de progression de 43%. Et puis quoi ?, est-on tenté de questionner.

A quoi sert le fonds d’entretien routier inclus dans la structure des prix des produits pétroliers ?

L’esclave qui n’a pas encore réalisé sa condition d’esclave peut difficilement s’indigner pour ensuite se révolter. Le contribuable togolais sait-il qu’il paie déjà pour l’entretien des routes lorsqu’il se pointe dans une station d’essence pour acheter le carburant super ou le gas-oil ?

Dans toutes les structures des prix des produits pétroliers que le ministère du Commerce publie à chaque variation du prix à la pompe, il y a toujours au niveau « Douanes » la rubrique « Fonds d’entretien routier » à la ligne 15. Cette rubrique indique clairement que, pour une commande d’un hectolitre, soit 100 litres de super ou de gas-oil, il est versé aux services de la Douane 3.500 FCFA destinés à l’entretien des routes au Togo. Mais que comprendre par-là ?

Deux exemples concrets portant sur les années 2015 et 2016. En 2015, le Togo a importé 612.466 tonnes de super et 908.706 tonnes de gas-oil. Soit respectivement 612.466 x 35.000 F et 908.706 x 35.000FCFA. Ainsi en 2015, les recettes du FER ont rapporté à l’Etat togolais via les Douanes, 21.436.310.000 FCFA pour le super et 31.804.710.000 FCFA. Donc un total de plus de 53,241 milliards FCFA.

En 2016, le Togo avait importé pour 717.390 tonnes et 948.630 tonnes respectivement de super et de gas-oil. En opérant le même exercice, on s’aperçoit que le super a rapporté 25.108.650.000 FCFA et 33.202.050.000 FCFA pour le gasoil ; soit exactement 58.310.700.000 FCFA. Que déduire de ces deux démonstrations ?

Le contribuable togolais est soumis à une double tarification

Les besoins en entretien des routes vont crescendo, la construction des routes augmentant avec les années. Ce qui signifie que les besoins antérieurs à 2021 ne peuvent pas être supérieurs.

La ministre Kassah-Traoré Zouhératou et ses collègues avaient estimé que le pays a annuellement besoin de 30 milliards annuellement pour entretenir les voies. Et que les recettes mobilisées par la SAFER n’atteignaient pas ce montant, raison pour laquelle les frais de péages ont été récemment renchéris sans considération aucune de la précarité dans laquelle vit le contribuable.

Or, le fonds d’entretien routier (FER) de la structure des prix des produits pétroliers en 2015 et 2016 dépasse de loin les besoins exprimés par l’Etat togolais. A quoi servent alors ces recettes si la SAFER doit également contribuer à l’entretien routier. Où vont les recettes du Fer ?

Si le Ghana a instauré le même système de prélèvement sur les produits pétroliers pour l’entretien des routes comme c’est le cas au Togo, on comprend qu’à un moment donné, l’exécutif ghanéen a décidé de supprimer les péages. Il y a là aussi une double taxation qui n’aura que trop duré. Ce pays ne peut pas se permettre de cracher sur des recettes qui lui permettaient de faire face à l’entretien des voies sans avoir trouvé d’alternative.

Députés et ministre du Commerce interpellés

Le ministre du Commerce est l’autorité la mieux indiquée pour répondre à cette incongruité. Au final, les citoyens sont soumis à un double prélèvement ou une double taxation pour le même but, l’entretien des routes. Etant un serviteur du peuple, Kodjo Adedze doit des explications à ses mandants.

Les députés représentent-ils le peuple ou bien ne sont-ils à l’Assemblée que pour percevoir leurs émoluments ? Il fut un temps, un député a déclaré ne pas trouver d’intérêt à convoquer un ministre dans le cadre d’une affaire relative à la commande des produits pétroliers. Cette fois-ci, les chiffres et les sources sont plus parlants et peuvent souffrir difficilement de contestation. La SAFER est sollicitée pour mobiliser des recettes pour l’entretien des routes. Or, il existe déjà une rubrique qui montre que la douane opère des prélèvements annuels qui dépassent les besoins entretien routier. Pourquoi fait-on payer doublement le citoyen, et où vont les recettes de la rubrique FER sur la structure des prix ? Voilà les questions que les représentants doivent adresser au ministre.

Godson K.

Source : Liberté / libertetogo.info