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« Les pays où la démocratie est absente ont certainement trouvé la formule de la colle la plus efficace, ce qui justifierait la longévité du pouvoir de leurs chefs d’Etats » (Sadek Belhamissi)

Tel père…Durant son règne au long cours, Gnassingbé père avait arboré pendant longtemps et avec panache le titre du doyen des chefs d’Etat d’Afrique. Faure Gnassingbé est sur ses pas. Bien que jeune, le président togolais porte la casquette du doyen des chefs d’Etat de l’Afrique de l’Ouest. En terme de longévité au pouvoir. Il est le seul dirigeant à boucler quatre mandats présidentiels alors que la norme dans l’espace communautaire est de deux mandats. Même si cette année, d’autres chefs d’Etat comme Alassane Ouattara et Alpha Condé ont succombé à la tentation du troisième mandat et se sont singulièrement éloignés de cette ligne de conduite.

En 2015, lors du 47ème sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO à Accra au Ghana, Faure Gnassingbé s’était énergiquement opposé avec son compère Yahya Jammeh, ancien président de la Gambie, au protocole sur la bonne gouvernance qui exigeait que tous les états membres harmonisent leur législation afin de prévoir un maximum de deux mandats présidentiels. Tous les pays avaient approuvé le protocole sauf le Togo et la Gambie. Conséquence, le projet d’instaurer l’alternance démocratique dans les 15 pays de la CEDEAO échoua.

Un an plus tard, dans une interview accordée à la radio Deutsche Welle, en marge d’une visite en Allemagne, Faure Gnassingbé s’était posé en grand défenseur de l’idéal démocratique. « Pour que la démocratie progresse en Afrique, il faut nécessairement limiter les mandats à deux ou trois », avait-il plaidé. Mais à l’épreuve de la tentation du pouvoir, Faure Gnassingbé était le premier à torpiller les conseils et recettes de démocratie et de bonne gouvernance qu’il prodiguait pour aller au-delà de trois mandats présidentiels.

Pour y parvenir, il choisit des contorsions politiques. Après ses trois mandats effectués, Faure Gnassingbé fit tripatouiller la constitution pour se faire « remettre le compteur à zéro.» Une escroquerie politique qui lui permet de prolonger sa jouissance du pouvoir. Une manœuvre sur laquelle surferont Alpha Condé et Alassane Ouattara pour s’incruster. D’autres dirigeants sont également dans le starting-block.

Pour l’instant, Faure Gnassingbé est le recordman en matière de longévité au pouvoir dans la zone ouest-africaine. Le président ivoirien a dû s’incliner devant lui. « Monsieur Faure Gnassingbé, le président de la République togolaise que j’appelle affectueusement notre jeune doyen », a lancé Alassane Ouattara lors de la cérémonie d’investiture pour son 3ème mandat. Embarrassé, Faure Gnassingbé qui trônait à la loge aux côtés d’autres dirigeants, a affiché un petit sourire jaune.

Dans une Afrique en pleine mutations démocratiques, il n’y a aucun honneur ni mérite à porter le titre de « doyen ». Cela dénote qu’on est nostalgique du parti unique et qu’on abhorre les valeurs de démocratie et d’alternance. La gêne de Faure Gnassingbé se comprend. Mais si le jeune président est autant mal à l’aise, alors qu’il engage son pays sur les rails de la démocratie et du développement. C’est de la seule manière pour lui d’entrer dans l’histoire par la grande porte.

Médard Ametepe

Source : Liberté No.3295 du 16 décembre 2020