kpatcha Gnassingbe prison 12 ans
Kpatcha Gnassingbé | Caricature : Donisen Donald / Liberté

Dans le registre d’emblématiques prisonniers de ces dix dernières années en Afrique de l’ouest, on peut citer sans risque de se tromper le duo Laurent Gbagbo- Charles Blé Goudé d’une part et Kpatcha Gnassingbé de l’autre. Petits parallèles entre Abidjan et Lomé via la Cour Pénale Internationale (CPI) et la Prison Civile de Lomé (PCL).

Les premiers et le second…convergences et divergences

Les premiers (Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé), respectivement Chef d’Etat, ministre ivoiriens, le second (Kpatcha), député-ministre, fils du défunt Président Gnassingbé Eyadema et donc frère du Chef de l’Etat togolais Faure Gnassingbé.

Les premiers ont passé les dix dernières années de leur vie en prison à la Haye. Une prison qui répond aux normes internationales, où quel que soit le crime commis ou supposé commis les droits du détenu sont respectés notamment le droit inaliénable d’avoir accès aux soins de santé en cas de nécessité. Incarcérés certes, mais traités comme des êtres humains. Leur dignité préservée.

Le second, Kpatcha Gnassingbé, incarcéré bien avant les premiers, a passé 12 ans derrière les barreaux. Dans une prison du Togo, nichée au cœur de la capitale Lomé, la plus surpeuplée aux conditions inhumaines comme l’attestent de nombreux témoignages de détenus ainsi que le Comité des Nations Unies contre la torture sans oublier les associations de droits de l’homme à l’instar d’Amnesty international et surtout la ferme position des Nations-Unies qui ont demandé la fermeture immédiate de la prison de Lomé. Un enfer carcéral où le détenu principal du pays n’a pas accès aux soins adéquats malgré la détérioration inquiétante de sa santé due aux conditions extrêmes de détention.

Les premiers (Laurent et Charles) ont été jugés en procès équitable pour crimes contre l’humanité, meurtres, viols, persécutions et autres actes inhumains. Griefs pour lesquels les deux hommes politiques ivoiriens ont toujours plaidé non coupables. Il est utile de souligner que la crise postélectorale qui les a envoyés à la Haye a vu 3000 âmes fauchées. Après dix ans de détention, les juges de la CPI ont qualifié « d’exceptionnellement faibles » les arguments du procureur plaidant pour leur maintien en détention. Les déclarant par ricochet, non coupables ; un sérieux camouflet pour la justice internationale. Le droit est dit et les décisions s’imposent à tous. Les contents comme les mécontents.

A quelques milliers de kilomètres de la Haye, tristounet sort pour Kpatcha Gnassingbé, jugé pour tentative d’atteinte contre la sureté intérieure de l’Etat. Un procès téléguidé par les officines du pouvoir togolais dont le verdict a été battu en brèche par la cour de justice de la CEDEAO saisie à cet effet. Selon l’arrêt de la cour, il est fait injonction à l’Etat du Togo, qui a essuyé un revers historique au niveau de cette juridiction sous régionale, « de prendre toutes les dispositions et mesures nécessaires et urgentes pour faire cesser la violation » du droit des requérants à un « procès équitable ».

Si au niveau de la CPI les prévenus peuvent espérer et obtenir effectivement un procès équitable, tel n’est pas le cas devant les juridictions togolaises qui sont sous coupe réglée du pouvoir exécutif. Une gravité que la cour de la CEDEAO a relevé dans sa décision qui débouche sur la relaxe pure et simple de Kpatcha Gnassingbé et codétenus, mais que nenni.

Laurent Gbagbo libre…Quid de Kpatcha Gnassingbé ?

Laurent Gbagbo recouvre la liberté du fait d’une justice qui dit le droit et Kpatcha Gnassingbé est maintenu en prison du fait d’une justice aux ordres. Mais cette situation ne saurait perdurer dans un pays qui se veut de droit, qui se réclame membres des Nations Unies et qui a ratifié de nombreux textes en matière des droits de l’homme dont le droit pour tout prévenu à bénéficier d’un procès équitable, disposition actée et qui s’impose à chaque Etat parti. La communauté internationale demeure constamment interpellée sur la manie du pouvoir togolais de se mettre au-dessus des institutions supra.

Apres la guerre, le calumet de la paix

Ce que semblent comprendre les autorités ivoiriennes qui ne s’opposent pas au retour de Laurent Gbagbo. A cet effet, le gouvernement de Côte d’Ivoire « appelle l’ensemble des populations au pardon et à la réconciliation ». Pour le duo Gbagbo/Blé Goudé, le retour en Côte d’Ivoire est accepté du fait de la volonté du Président Ouattara qui a pourtant la sulfureuse réputation d’avoir la rancune tenace.

Pourquoi pas Faure Gnassingbé ?

Pourquoi faire perdurer la détention du député de la Kozah et au-delà de son étiquette d’homme politique, Kpatcha Gnassingbé est et demeure le frère consanguin de Faure Gnassingbé ? Une situation bien pesante aux plans humain et familial. Les enfants du détenu ont pour oncle le Chef de l’Etat du Togo et vice versa.

Aucune situation humaine n’est immuable ni statique

Le maintien en prison de Kpatcha Gnassingbé après 12 ans d’incarcération relève de non-sens et d’inhumanité. Cette situation doit prendre fin dans un pays où le Chef de l’Etat lui-même prône la réconciliation et met en place une commission qui continue de travailler à « panser les plaies ». La logique voudrait que cette réconciliation concerne au prime abord la famille présidentielle.

Au nom de cette réconciliation si chère à Faure Gnassingbé, la rancune et la haine doivent faire place au pardon et à l’amour. De la réconciliation de la famille Gnassingbé dépend celle entre les togolais fils de la même nation.

Dans une confession interpersonnelle, Faure Gnassingbé pourrait se dire comme Ruth Fishel : « aujourd’hui je me libère de toutes les rancunes, que je nourris en moi. Le moment, est tellement plus important pour moi que le fardeau du passé que je porte ».

A.K.

Source : Liberté

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