Sebastien Nadot
Sebastien Nadot | Infog : 27avril.com

Le député français Sébastien Nadot poursuit ses actions en faveur de la vérité des urnes au Togo. Dans cet entretien, il revient sur la présidentielle de février 2020 et les accords qui soutiennent sa demande de clarification.

Quelles sont les raisons qui vous poussent, près d’un an après la dernière présidentielle au Togo, à dénoncer un coup d’état électoral ?

Près d’un an après la dernière présidentielle au Togo, si je dénonce un coup d’état électoral, c’est parce qu’il me semble que Faure Gnassingbé est président de la République parce qu’il détient le pouvoir militaire. Il a envoyé les militaires contre ses opposants et particulièrement celui qui, vraisemblablement, avait remporté le scrutin électoral. La situation actuelle découle non pas d’un processus démocratique au regard des résultats, mais d’un coup de force. Si je considère en plus qu’il s’agit d’un coup d’Etat, c’est aussi parce que j’ai cherché bien des endroits, je n’ai trouvé aucune reconnaissance officielle ni du ministère des affaires étrangères de la France ni du côté de la présidence de la République française ni de l’Union Européenne. En Europe et en France, on était à un moment extrêmement compliqué avec la situation du coronavirus qui nous prenait à la gorge. Du coup, les choses se sont passées sans qu’il y ait un véritable regard très fort à ce moment-là. Il n’est pas trop tard pour bien faire. Cette élection n’est pas satisfaisante et la situation qui en découle non plus. Il faut remettre en cause tout cela.

De quel secours peut être l’article 96 des accords de Cotonou dans ce cas ?

L’article 96 des accords de Cotonou peut nous être très précieux pour avancer sur le règlement de cette affaire au Togo. En effet, cet article 96 est une procédure de consultation d’abord, et ensuite, de mesures appropriées concernant les droits de l’homme, les principes démocratiques et l’état de droit. Dans la situation où un président de la République se retrouve dans cette position sans qu’on ait de résultats électoraux probants, qu’il utilise la force contre son principal adversaire, bien évidemment, ce traité international des accords de Cotonou peut être mobilisé par l’Union Européenne. Il y a d’abord un dialogue politique, mais là le dialogue est déjà assez clairement mal établi et ensuite, il y a une consultation qui est menée de laquelle peut ressortir des mesures appropriées qui peuvent être des sanctions individuelles. Et en l’occurrence, je crois qu’à partir du moment où on ne peut pas obtenir des garanties sur les principes démocratiques des élections présidentielles de 2020, les mesures appropriées se portent sur le président certes en exercice, mais un président qui n’a pas respecté les grands principes d’un processus démocratiques pour être à nouveau reconduit à la tête de l’Etat

Pour vous cette élection est-elle frauduleuse ? Comment en avez-vous la conviction ?

Il n’est pas très difficile d’être convaincu que cette élection était frauduleuse. En effet, dans un fonctionnement démocratique normal qui plus est s’annonce avec un score écrasant ne devrait pas avoir peur de produire tous les procès-verbaux des différents bureaux de l’élection présidentielle. Or ces procès-verbaux n’ont jamais été rendus publics, et aucune mission neutre n’a pu avoir accès à ces éléments. Quand on cache quelque chose de cette manière, c’est certainement qu’il y a un problème. Je ne demande qu’une chose, c’est que le président de facto actuel, Gnassingbé demande à la commission électorale de produire des procès-verbaux et on verra bien.

Ne craignez-vous pas d’être accusé d’ingérence ?

Alors bien évidemment les adversaires à un processus qui consiste à ce que l’Union Européenne vienne regarder de près la situation de l’État de droit au Togo, et remettre en cause les principes qui ont mené à cette élection présidentielle de 2020 au Togo vont sortir l’argument de l’ingérence. Mais il n’est pas du tout question d’ingérence. Il y a des accords dont le Togo est signataire. De ces accords de Cotonou les aides que va obtenir le pays ont une contrepartie qui est de s’assurer qu’il y a un respect du principe de l’Etat de droit et démocratique. Or, pour la période 2016-2020, l’Allemagne, la France et l’Union Européenne ont apporté près de 745 millions d’euros d’aide au Togo. Donc contre cette aide et puisqu’il y a un accord qui conditionne l’octroi, je crois que ce n’est pas du tout de l’ingérence que de demander des comptes sur cette question du respect des principes démocratiques. Il ne faut pas voir de l’ingérence dans cette demande que je formule et que d’autres vont formuler avec moi. C’est véritablement la volonté de faire passer le droit, en l’occurrence le droit international. Je crois véritablement que cette question doit être remise au goût du jour même si cette situation dure depuis près d’un an.

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Source : Liberté [libertetogo.info]