Caricature : Donisen Donald / Liberté

Tout porte à croire qu’aucun sacrifice ne paraît trop grand pour le régime de Faure Gnassingbé, lorsqu’il s’agit de se pérenniser au pouvoir. Tant les méthodes sont liberticides. Les dernières les plus prisées, parallèlement aux innombrables cas de violations et exactions sont l’espionnage, jusqu’à l’intimité, des honnêtes citoyens. Ce, par des logiciels achetés à coût de fortunes au dos du contribuable. Et d’autres moyens encore. Même philosophie, même méthode

Après l’épisode très mouvementé du logiciel Pegasus, le macabre feuilleton d’espionnage des citoyens se poursuit. Cette fois-ci avec celui révélant l’espionnage, par un logiciel indien, d’un acteur de la société civile, début de cette année 2021. Et à des fins que seuls les dignitaires du régime sauront élucider. Cette énième révélation met à nouveau en branle, les organisations de la société civile défenseuses des droits de l’homme et les médias, épris de la liberté et des droits des citoyens.

Hier, Pegasus. Aujourd’hui, un logiciel espion fabriqué par le groupe de hackers indiens Donot Team. En effet, selon un rapport publié le jeudi 07 octobre 2021 par Amnesty International, un militant togolais est pris pour cible au moyen d’un logiciel espion fabriqué par le groupe de hackers Donot Team. Amnesty International dévoile les liens entre les attaques de Donot Team et Innefu Labs, une entreprise spécialisée dans la cybersécurité installée en Inde. C’est la première fois que Donot Team est publiquement reliée à des cyberattaques ciblant des militants en dehors de l’Asie du Sud. Des courriels infectés par des logiciels espions et de fausses applications Android peuvent accéder à la caméra et au microphone de l’appareil, voler des photos et des fichiers, et lire les messages WhatsApp.

Finalement, l’on ne sait de combien de logiciels se sert le pouvoir de Lomé pour surveiller les honnêtes citoyens. On se rappelle que des spéculations sur l’existence d’une table d’écoute à la Présidence de la République avaient déjà fait bruit il y a quelques années. Mais la succession des faits amène, de droit, à se songer aujourd’hui, parallèlement à cette table d’écoute, à l’existence d’autres logiciels encore méconnus du public. Mais alors à quelle fin, lorsqu’on sait que nombre de secteurs vitaux du pays manquent encore d’infrastructures de base. Ceci, pendant qu’on s’offre à loisirs des logiciels budgétivores pour la sécurisation du fauteuil d’un togolais, fut-il Président de la République.

Gestapo politique

Loin d’excès ou d’abus de langage, tout semble dire que les togolais vivent plutôt dans une gestapo politique qui ne dit pas son nom. Puisqu’au pays de Faure Gnassingbé, la moindre opinion dissonante suffit largement à vous museler.

Des médecins aux enseignants en passant par les journalistes, les opérateurs économiques, les acteurs de la société civile et même les hommes politiques, tous sont contrôlés, au moindre mouvement comme si au sommet de l’état, on se reprocherait tant de quelque chose. Ceci, au pont de restreindre, voire verrouiller dans une large mesure, tous les espaces de liberté et d’opinion, tant qu’on n’exprime pas suffisamment son appartenance politique au parti au pouvoir.

Même l’exercice récent auquel se sont prêtés les députés au parlement, faisant croire à un déverrouillage de la loi sur la manifestation, n’est que chimère, la loi étant toujours restée verrouillée.

Gestapo socio-économique

Pendant que la liberté de manifestations est étriquée, c’est la liberté de presse qui voit son cou désormais sous le genou du pouvoir par lequel de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (Haac). En moins de deux ans, l’institution dite de régulation et de protection de la presse a aligné cinq décisions de suspension contre quatre organes avec en cerise un retrait de récépissé. Les droits à l’emploi sont également bafoués avec des citoyens exploités et expédiés comme des bêtes de somme dans la zone franche. Les Coréens promoteurs d’Amina, une industrie productive des mèches de coiffure viennent de mettre sur le carreau 2000 agents, pendant que Dodo Comestic elle vient de dégager 150 agents le tout face au silence du ministère du Travail et de l’Emploi. Et c’est ce même ministère qui vient de publier après 8 mois d’attente, les résultats du concours de recrutement de personnel enseignant avec des candidats déclarés admis «sans numéro matricule» selon les monstres spéculations, pendant que ceux les plus à même d’être retenus comme les volontaires qui ont déjà à leur actif en moyenne 10 ans d’expérience sur le terrain soit encore laissés sur la touche sans le moindre gêne. Et en amont à ces injustices sociales le pouvoir a, au nom de sa paranoïa politique, choisi d’ajouter au phénomène sous-régional de la vie chère son joug de mesures dites de lutte contre la pandémie à coronavirus avec des mesures qui axphysient profondément l’économie. Et c’est ici le lieu de souligner que c’est au coeur de cette crise à coronavirus que le pouvoir de Lomé a croisé les bras devant des quidams qui se sont installés et ont collecté les épargnes des citoyens au nom du business de trading avec des promesses de rémunération allant jusqu’à 300% du dépôt. Un système ponzy qui aura collecté aux dernières nouvelles, près de 68 milliards disparus dans la nature sans que le pouvoir puisse à ce jour, retrouver les traces malgré la décision tardive et curieuse de mettre sous les verroux les responsables de ces structures qu’il a pu trouver. L’histoire ressemble à un conte de fée sur fond de cynisme de l’Etat qui a choisi d’assister au drame pour jouer aux sapeurs pompiers.

Alcamie avez-vous dit ?

Tellement les faits s’enchaînent que cela ressemble au régime hitlérien, et ses méthodes militaires, à la seule différence que celui de Faure Gnassingbé est malicieusement polissé pour faire croire qu’il est fréquentable. Alors qu’en réalité, la situation sociopolitique et économique au Togo est pire que ce qu’on observe dans les vieilles dictatures comme la Corée du Nord décrite comme l’un des régimes les plus hermétiques au monde. C’est d’ailleurs à juste que plusieurs critiques n’hésitent pas à comparer le régime togolais à celui de la Corée du Nord, puis qu’ici, l’étouffement des politiques et opérateurs économiques qui ne sont pas en odeur de sainteté avec le pouvoir se veut un sport favori. Cela aura suffi pour se voir coller à la peau, toute grotesque et rocambolesque affaire tissée du fil blanc pour t’anéantir ou te réduire complètement au silence, aux fins de mieux t’apprivoiser. Ici au Togo, ne pas voir d’un même angle la gouvernance politique, ou critiquer la corruption, les détournements de deniers publics et la mauvaise gouvernance politique à la tête du pays suffiront à t’assimiler à un opposant. Mieux, à la pire espèce qui puisse exister sur terre, donc déclarer persona non grata, juste pour te pourrir la vie.

Un suicidaire sentiment de domination et de paternalisme qui s’explique par l’aisance avec laquelle on déploie justement de colossaux moyens de l’état pour écouter les gens jusque dans leur intimité. Comme pour dire vous vous rangez, ou vous n’avez pas la liberté d’exprimer votre opinion. Curieusement comme dans d’autres pays de la sous-région il y a quelques mois plus tôt, les prisons du Togo sont jonchées aujourd’hui de dizaines de prisonniers politiques. Juste pour obtenir du silence croit-on. On avance seulement.

Source : Fraternité / fraternitenews.info