Extrait d’une caricature de Donisen Donald / Liberté

Depuis 1956, le Togo a été établi dans le concert des nations en tant qu’une République. Mais, il semble que ce régime politique est en train d’être remis en cause. Car depuis quelque temps, les principes fondamentaux d’une république sont foulés au pied. Explications !

Sur décision du Conseil des Ministres, la journée du lundi 3 mai 2021 a été déclarée fériée, chômée et payée. Dans le communiqué rendu public à cet effet, il est précisé : « Afin de permettre un regain d’énergie et de vigueur après les célébrations du 27 avril et du 1er mai, le Conseil a décidé que la journée du Lundi 03 mai soit fériée, chômée et payée sur toute l’étendue du territoire ». Cette année la fête du 27 avril qui consacre le 61ème anniversaire de l’acces du Togo à la souveraineté internationale a été célébrée non seulement dans la sobriété, mais aussi dans une intimité politique. Le défilé traditionnel a été réduit à celui des militaires qui ont paradé devant le chef de l’Etat, les membres du gouvernement et du parlement, les présidents des institutions de la République et des invités de marque triés sur le volet.

Pour ce qui est du 1er mai, fête des travailleurs, traditionnellement célébrée en masse et dans une liesse populaire, elle n’a pas connu cette année le même engouement. Des dispositions assez spéciales ont été prises dans le pays, pour la réduire à sa plus simple expression. Dès lors, quel sens revêt cette décision du conseil des ministres déclarant la journée du lundi, fériée, chômé et payée ? Comment peut-on férier une journée pour permettre aux populations n’ayant pu organiser rien de festif pour marquer les célébrations d’une fête de l’indépendance et d’une autre du 1er mai, de reprendre de l’énergie et de la vigueur ? Doit-on croire aux indiscrétions selon lesquelles, la mesure vise en réalité à savourer le premier anniversaire de la prestation de serment (03 mai 2020-03 mai 2021) du président de la république suite à sa réélection au scrutin du 22 février 2020 tout comme cela a été le cas en 2016 pour le compte de son 3ème mandat ?

Le culte de la personnalité toujours à la mode

Dans tous les cas, la majorité présidentielle a tenu à marquer la première année du 4ème mandat de Faure Gnassingbé. A ce effet, une messe d’action et de grâce a été dite à la paroisse Notre-Dame de la Rédemption de Bè-Klikamé à Lomé. Selon, Djigbodi Yawa Tsegan la Présidente de l’Assemblée nationale, cette messe a été l’occasion de prier pour la vie du chef de l’Etat. « Nous avons rendu grâce à Dieu pour la vie du Président de la République et celle de tous les Togolais et imploré sa protection et sa grâce sur notre pays le Togo », a-t-elle posté sur Facebook.

Suffisant pour que certains observateurs montent au créneau. Selon ces derniers, la décision du Conseil des ministres de déclarer cette journée fériée, chômée et payée serait motivée plus par l’anniversaire de la prestation que les raisons évoquées dans le communiqué. Et cette messe ne vient que confirmer leurs spéculations. Par conséquent, ceci ressemble fortement à un culte de la personnalité.

Il faut dire qu’au Togo, la glorification publicitaire des dirigeants n’a jamais été rompue. Comme le merchandising de la saga Star Wars, l’histoire plus ou moins récente du Togo est parsemée de produits dérivés voués à l’imagerie présidentielle. On se souvient des champagnes portant l’image du président de la République ou encore de cette inscription assez flatteuse, « Merci Président pour ce cadeau » sur le fronton du complexe scientifique du Lycée de Tokoin à son inauguration. En réalité, le fils à Eyadema n’a jamais rompu avec le zèle laudateur instauré sous le règne de son père.

Le régime de Lomé se durcit…

Au-delà de ce 03 mai polémique, le Togo semble glisser depuis 2015 vers une monarchie qui ne dit pas son nom. En effet, depuis la modification de la loi du 16 mai 2011 sur la liberté de réunion et de manifestation publique pacifiques au Togo, les droits à la liberté d’expression et de la réunion sont restreints. Les manifestations sont systématiquement interdites et la pandémie de Covid-19 n’a été que l’argument béni. « La Covid-19 a véritablement impacté la vie politique au Togo. Des mesures de restriction de liberté publique sont prises. On n’a plus la possibilité de faire des réunions politiques ou de faire des manifestations. Cela débouche sur une situation qui n’est pas acceptable en matière de démocratie », a regretté Nathaniel Olympio, président du Parti des Togolais en février dernier.

Parallèlement, les médias privés discordants sont soumis à une forte pression. Des journaux comme FRATERNITE, L’Alternative et Liberté ont déjà subi la foudre de la Haute autorité de l’audiovisuelle et de la communication (Haac) pour notamment avoir dénoncé des faits d’abus politique et de droit.

De même, les Organisations de la société civile pourraient bientôt voir leurs marges de manœuvres réduites si jamais échoit la modification de la loi 1901 relative aux associations dont le processus est en cours.

En définitive, le pouvoir de Lomé semble décidé à réduire au silence toute voix discordante. Ce qui laiuse le décor d’une monarchie dans la peau d’une république. Ces derniers temps, c’est le Service Central de Recherches et d’Investigations Criminelles (SCRIC) qui défraie la chronique. Journalistes et acteurs politiques ont déjà séjourné dans ses locaux.

Source : Fraternité / fraternitenews.info