camion blindé de la gendarmerie devant la maison de agbeyome kodjo
Infog : 27avril.com

Conduit manu militari pour des interrogatoires au SCRIC, Service central de recherches et d’investigations de la gendarmerie nationale, après le siège autour de son domicile dans la nuit du lundi 20 au mardi 21 avril 2020, l’ancien Premier ministre Agbéyomé Kodjo de la dynamique Kpodzo, fait l’objet de poursuites judiciaires pour le ministère public. Seulement, les conditions de son interpellation dans la matinée de ce mardi par rapport aux explications de ses avocats, la veille, sur la procédure judiciaire enclenchée par le procureur de la République, contraignent beaucoup à s’inquiéter d’une parodie de justice. Une situation qui marque déjà la déception des Togolais sur l’avenir de la nation.

Président autoproclamé de la République du Togo au sortir des élections du 22 février 2020, et sous l’appellation de « président démocratiquement élu du Togo », Dr. Gabriel Agbéyomé Messan Kodjo n’a cessé de réclamer sa victoire, estimant que la vérité des urnes a été tronquée en faveur de son adversaire politique, l’actuel président du Togo, confirmé par la Cour constitutionnelle.

Les faits… Dans la logique de réclamation de sa victoire, de contestation du président officiellement réélu et lui, de président démocratiquement élu du Togo, Agbéyomé Kodjo a souvent posé des actes de chef de l’État, entre autres, la nomination d’un Premier ministre et d’un Ministre des affaires étrangères sans oublier des discours à la nation. Conséquence, la justice togolaise se met à ses trousses pour violation des textes qui encadrent la République. Sous le contrôle des avocats chargés de la défense de M. Kodjo, ce dernier est poursuivi pour les faits de troubles aggravés à l’ordre public, de divulgation de fausses nouvelles, de dénonciation calomnieuse et d’atteinte à la sûreté de l’état.

Ce mardi 21 avril 2020, un contingent composé d’hommes en arme, après avoir encerclé son domicile la veille, ont procédé à son arrestation, causant selon plusieurs témoins, des voies de fait lors de l’opération. Il est à préciser que par deux fois, Agbéyomé Kodjo n’a pu pas répondre à l’invitation du SCRIC pour des interrogatoires. Selon ses avocats, son « état de santé et le réveil récent d’une pathologie locorégionale ancienne de M. Agbéyomé Kodjo, entravent douloureusement depuis quelques temps toute mobilité spontanée de sa part ». Or, Député de son état, M. Agbéyomé Kodjo dont l’immunité parlementaire a été levée par l’Assemblée nationale suite à la saisine du Procureur de la République, crie à la violation de la procédure ayant conduit à cette décision. Il a dès lors, assigné l’Assemblée nationale togolaise, représentée par sa Présidente en justice et, il est demandé au tribunal de Première Instance de Première classe de Lomé, statuant en matière des droits de l’homme, d’annuler la décision du parlement portant levée de son immunité parlementaire, ceci du fait des irrégularités constatées dans le cadre de la procédure ayant conduit à ladite décision.

Ce procès devant se tenir le 28 avril prochain, les avocats de la défense, en dépit de la décision du 17 avril 2020 du Procureur de la République de poursuivre l’enquête judiciaire ouverte contre leur client, demandent quant à eux, une suspension provisoire de toute enquête judiciaire sur la base d’une décision contestée et attaquée devant une juridiction indépendante compétente. Alors, l’enlèvement de leur client à son domicile ce mardi 21 avril, par des éléments des forces de sécurité et de défense, ne saurait les rassurer sur la tenue d’un procès équitable.

Des antécédents parlants…

Si la plupart des Togolais estiment que les déboires judiciaires de M. Agbéyomé Kodjo ont des relents politiques, l’affaire ministère public contre Agbéyomé Kodjo, rappelle en effet, pour certains, la douloureuse période de 2005. M. Mohamed Madi Djabakaté, Observateur avisé de la scène politique togolaise en fait le lien à travers cette réflexion : « Des gens qui ont violé la Constitution togolaise la nuit du 05 février 2005 peuvent faire la morale à qui ? Peuvent accuser AMK (Agbéyomé Messan Kodjo, ndlr) de quoi ? » écrit-il avant d’inviter Faure Gnassingbé à se remémorer la nuit du 05 février 2005. « Il doit analyser ce qu’il a fait cette nuit-là et réaliser des comparaisons avec ce qu’il reproche actuellement à Agbéyomé Kodjo. En tout cas moi cela m’aide à créer un fil argumentaire qui raconte qu’il est mal placé pour se plaindre de AMK ». Il a aussi invité le parti UNIR et tout l’appareil d’État à son service à éviter d’étaler leurs lacunes au public. En ces temps difficiles de coronavirus, M. Djabakaté se désole de l’attitude des premiers responsables du pays en ces termes : Je m’interroge sur le choix de Faure Gnassingbé de dépenser les ressources qui devraient servir à lutter contre Covid-19 à kidnapper un adversaire politique

La déception du peuple Cette nouvelle crise postélectorale, la nième du genre qui se profile à l’horizon, replonge une majeure partie des Togolais dans une déception inouïe. Soixante ans après les indépendances dont plus de cinquante années sous une seule famille qui semble installer un règne sans partage, fait d’injustices, de violences et autres violations des droits fondamentaux des Togolais, c’est logiquement une vive douleur que ressent une majorité du peuple. Cependant, devant une telle réalité, beaucoup gardent encore espoir d’un lendemain meilleur. « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? La nuit est longue, mais le jour vient », reprennent-ils. Pour ceux-ci, cette formule consacrée, la formule de l’espoir qui résonne aujourd’hui, résonnera encore et toujours, soit aussi longtemps que la félicité tardera à se pointer à l’horizon. Jamais le harcèlement éhonté dont est victime Agbéyomé Kodjo avec une brutalité déjà connue de tous, ne saura faire frémir leur ardeur encore moins arrêter leur élan du fait de leur détermination pour la justice et la liberté. Certes, au fil des années, ce peuple montre des signes de fatigue, mais tout peuple qui aspire à l’alternance et au changement n’abdique jamais. C’est une vérité de la Palice, et c’est l’histoire des peuples.

Sylvestre Beni

Source : La Manchette