Faure Gnassingbé (d) et son « Opposition » | Infog : 27avril.com

Un autre Gnassingbé en passe de s’octroyer le pouvoir à vie ? Cette question taraude l’esprit des Togolais depuis un moment. Le modèle de gouvernance, depuis l’insurrection populaire menée par le Parti national Panafricain (PNP) de Tikpi Atchadam, et l’élection présidentielle contestée de février 2022, donne une similitude entre les méthodes utilisées par le régime de Faure Gnassingbé et celui de son père dans les années sombres de la dictature au Togo. Si de nombreux Togolais donnent des signes de lassitude vis-à-vis de la situation politique et du manque de perspectives de développement du pays, ils sont nombreux dans les arcanes du pouvoir à ruminer leurs inquiétudes quant à la longévité du régime.

En effet, le régime de Faure Gnassingbé a produit de « nombreux nouveaux riches ». Si les nombreux scandales financiers relayés dans la presse ont vite été étouffés à coup de corruption, une chose est certaine, le caractère imprévisible reconnu au locataire du palais de Kégué ne donne pas des gages d’assurance à ses plus fidèles lieutenants. Il est fréquent d’entendre les métayers de la dictature susurrer leur bien-être qu’ils n’hésitent d’ailleurs pas à exhiber de façon ostentatoire dans les quartiers malfamés de Lomé et dans les bidonvilles d’Agoè.

Mais les riches, les bénis du système, eux, ont d’autres préoccupations. Comment assurer leurs arrières car un pouvoir qui frôle la soixantaine porte en lui-même ses germes de destruction. Au vu des courants qui animent la mouvance présidentielle et l’éternel sujet tabou de tribalisme ambiant, avec les ambitions de collaborateurs vite étouffées et des généraux aux allures d’intouchables vite recadrés la sérénité n’est pas de mise dans les nombreux châteaux de la capitale togolaise. Et pourtant, avec une opposition corrompue, jamais le système politique qui régente le pays ne s’est senti aussi confortable. Dans cette illusion de calme, malheureusement la pauvreté a fait son lit, le sous-développement plus actualisé que jamais, et la transformation progressive des zones urbaines en taudis interpelle. En voulant surfer sur la diplomatie évènementielle pour redorer son blason, Lomé a fait des choix hasardeux. Articulés à la pandémie du Coronavirus il ne reste au chef de l’Etat et ses obligés que le théâtre des conflits comme la Mali pour se donner un peu prestance mais à quel prix ?

L’opposition en déconfiture totale depuis que Joseph Kokou Koffigoh, Edem Kodjo, Yawovi Agboyibo et Gilchrist Olympio ont sacrifié l’intérêt du peuple sur l’autel de leurs égos n’existe que de nom. L’émergence d’autres acteurs, certains plus sulfureux que les autres a définitivement dilué les espoirs d’une alternance politique et ce, aux yeux de nombreux activistes du système qui n’aspirent plus qu’à aller jouir de leur butin amassé loin des rives de la lagune de Bè. Faure Gnassingbé a vite détecté cette lassitude dans son camp et semble se replier sur de vieux renards de la politique qui, pour des raisons inavouées ne veulent pas jouir de leur retraite. Solitoki Esso, Payadowa Boukpessi, Charles Kondji Agba ou encore Yao Agbo Bloua, ces « pépé gaffeurs », habitués aux coups tordus continuent de hanter le système aux côté de jeunes loups baptisés ironiquement de « légion étrangère » venus prêter mains fortes au régime en souffrance contre des avantages indus. Verrouillages des espaces de liberté avec l’incarcération des journalistes et la fermeture des journaux, affectations punitives dans l’administration publique pour décourager les esprits réfractaires, c’est au prix de ces méthodes soviétiques que les ministres de Victoire Dogbé gèrent leurs épiceries. De notre enquête nous avons relevé un profond désamour entre ces décideurs politiques et leur entourage immédiat. Si ce n’est Dodji Kokoroko qui distribue des sanctions à ses aînés sous prétexte du pouvoir publique, au ministère de la communication c’est le ministre Ayéwadan qui se plaît à mettre au « garage de l’ATOP » les rares journalistes des médias publics encore capables de tenir en haleine l’audience. Pour la gestion de la crise du Coronavirus, le patriarche Payadowa Boukpessi, flanqué de son directeur des cultes, un colonel de son état, a trouvé les moyens de faire la misère aux ministres des cultes. « Désormais, on ne sait plus si dimanche on est autorisé à la messe ou pas car c’est selon l’humeur du bienheureux d’Adjengré » nous a confié ironiquement un président de fédération des églises.

Devant tous ces errements, l’opposition devient taciturne. Avec le monologue du CNAP, Antoine Folly, Dodji Apévon et autre Patrick Lawson ont prêté main forte à l’exercice de sauver les acquis de février 2020 aux côtés de Payadowa Boukpessi. En sacrifiant à ce deal, le système leur est redevable et les élections régionales s’imposent pour trouver des strapontins aux plus dociles. Pour ceux qui sont invités à « aller boire du lait », c’est la fière allure. Gerry Taama ne boude pas son plaisir, Abass Kaboua ne rate aucun instant pour rappeler à qui veut l’entendre que quand quelqu’un ne veut pas il y a d’autres pour prendre. Séna Alipui, lui se perd dans contradictions alors que le fils à Kagbara prend du plaisir. Ce n’est pas avec un parlement en manque de débats contradictoires que Faure Gnassingbé saura prendre le pool de ses mesures, après des élections législatives et un parlement diluées, l’homme n’est visiblement pas prêt à reconduire la même expérience, en tout cas pas dans l’immédiat. Un dialogue s’impose avec les nouvelles forces politiques qui incarnent les aspirations de la population. Agbéyomé Kodjo semble s’ouvrir au dialogue avec l’appel récent de madame Adjamagbo, mais quand on sait le talon d’Achille du fils d’Eyadema, les affronts de l’ancien premier ministre et de Monseigneur Kpodzro sont loin d’être déjà digérés. C’est dans cette ambiance peu reluisante où il manque de force de contradiction que Faure Gnassingbé s’offre un boulevard vers un nouveau mandat. Les Togolais dépités en font désormais le dernier de leurs soucis. Ils sont nombreux à chercher une double nationalité pour échapper à la malédiction, mais jusqu’à quand ?

Denis Mauripant

Source : Liberté / libertetogo.info