Prison civile de Lomé, Togo, 2019 | Archives: DR

Ils sont 364 prisonniers de droit commun à avoir recouvré leur liberté récemment au Togo, suite à la grâce présidentielle accordée par Faure Gnassingbé à travers un décret signé fin octobre dernier. Ces graciés se répartissent comme suit : 6 personnes à la prison civile de Dapaong, 17 à la prison civile de Mango, une à la prison de Kanté, 22 à la prison civile de Kara, 13 à la prison civile de Bassar.

On notera la liberté de 28 autres de la prison civile de Sokodé et 42 de la prison civile d’Atakpamé. Quant à la prison civile de Kpalimé, ils en sont 38, alors que Notsè, Vogan et Aneho en ont respectivement vu s’en aller 20, 28 et 33. Un quota relativement minime, comparativement aux 114 prisonniers libérés à la seule prison civile de Lomé.

Ce qui saute aux yeux est que ces hommes hors de leurs geôles ont en commun d’être en fin de purge de leurs peines. Alors se pose la question : doit-on vraiment qualifier de grâce présidentielle la libération d’individus qui sortiront un jour ou l’autre, puisqu’ils sont à terme de leur « mandat pénitencier » ?

Une grâce présidentielle réduit ou supprime la peine d’un condamné, et ce dernier est libéré avant d’avoir purgé la totalité de la peine. Ce qui n’est pas le cas en l’espèce, puisque tous ces détenus prétendument graciés sortiront sans l’aval de Faure Gnassingbé. On aurait pu parler de grâce si Faure Gnassingbé avait fait mettre en liberté des personnes qui auraient bien envie de respirer le vent frais dont on les avait injustement privés. Et des prisonniers de cet acabit, les prisons du Togo en comptent en veux-tu en voilà. Et ils ont été incarcérés en raison non pas d’un crime quelconque, mais plutôt de leurs opinions politiques.

Pendant qu’il est vendu à l’opinion un semblant de grâce présidentielle, Aziz Goma, jeté arbitrairement en prison et sans jugement depuis le 21 décembre 2018 continue de boire le calice des traitements inhumains, de passage à tabac, des simulations d’exécution, des privations de nourriture, l’interdiction de faire ses besoins naturels jusqu’à la lie. Inculpé comme plusieurs autres pour « atteinte aÌ la sécuritéì intérieure de l’Etat, groupement de malfaiteurs, troubles graves aÌ l’ordre public, destructions volontaires et complicitéì de ces infractions au sens des articles 48. 49.495. 549. 663 et 695 du nouveau code pénal », l’Irlando-togolais qui a souvent appuyé d’une manière ou d’une autre les manifestations publiques, se trouverait aujourd’hui aux prises avec la maladie de Charcot Marie Tooth, caractérisée par une faiblesse musculaire progressive touchant en priorité les extrémités des membres et une atrophie musculaire pouvant entraîner une déformation des pieds et des mains. Ils sont nombreux à filer du mauvais coton après l’affaire « Tigre Révolution » qui a entraîné ce qu’il convient d’appeler une chasse aux jeunes et des responsables de l’opposition et surtout du PNP (Parti National Panafricain). Faure se targue d’avoir fait du bien aux écroués tout en oubliant que ceux qu’il a injustement fait condamner méritent plus que tous les autres de sortir d’une geôle où ils n’ont pas leur place. Quid de Jean-Paul Omolou qui vient de boucler l’an un de son incarcération sans jugement ?

Quid de Djimon Ore qui n’a fait que dire tout haut des vérités amères que beaucoup pensent tout bas ? Que dire de Kpatcha Gnassingbe, arrêté en 2009 pour « atteinte à la sûreté de l’État », cette fameuse formule sortie chaque fois que l’Etat se sent l’envie d’étouffer toute velléité d’expression ? Qu’en est-il des militants des partis politiques en général, et de ceux du Parti National Panafricain (PNP), parti envers qui le pouvoir en face nourrit une haine plus que viscérale ?

On ne le dira jamais assez, ces infortunés qui souffrent qui de maladie gratuite, qui de mort gratuite, qui de procès sans jugement, tout comme le rejet de toute liberté d’expression, mettent à nu ce que reste foncièrement Faure et sa clique : un régime liberticide.

Sodoli Koudoagbo

Source: Le Correcteur / lecorrecteur.info