lumen microfinance togo
Photo : DR

Depuis le 29 octobre 2019, le ministère de l’Economie et des Finances a retiré l’agrément de la caisse d’épargne et de crédit LUMEN. Par le même arrêté, cette institution de microfinance qui compte plus de dix mille membres statutaires et plus de cinquante mille membres auxiliaires a été radiée du registre des systèmes financiers décentralisés. Une situation bien fâcheuse et aux responsabilités partagées.

La fin de l’illégalité…

Ouverte le 18 janvier 2010 à la faveur de l’arrêté N°201/MEF/SG/CAS-IMEC du 28 juillet 2008, la Caisse d’Epargne et de Crédit Lumen n’a tenu que moins de dix (10) ans. Faute de manquements graves et répétées aux dispositions de la loi régissant le fonctionnement des microfinance au Togo, la microfinance LUMEN a été contrainte à la fermeture de ses portes. Au grand désarroi de ses 130 employés mis, de fait, en chômage, et ses quelques soixante mille membres aussi bien statutaires qu’auxiliaires.

Et sur le sujet les chiffres même divergent. Pendant que les autorités parlent de 60 000 clients tout confondu, les responsables de Lumen parlent de 220 000 membres auxiliaires que statutaires. Premier hic ! On y reviendra.

En effet, le gouvernement, par le truchement du ministère en charge de l’Economie et des Finances, reproche notamment à cette institution de microfinance, la signature d’un contrat de cession d’agrément par lequel SITSOPE SARL est devenu propriétaire de l’agrément de LUMEN originel qui avait entre-temps déposé les clés pour problème de gestion. Du coup, les agents collecteurs qui étaient estampillés hier Sitsopé ont changé de t-shirt estampillé désormais Lumen. Tout ceci sans autorisation aucune de l’autorité. Une gymnastique illégale qui n’a pourtant pas réussi à sauver l’épargne des membres de la Caisse d’Epargne et de Crédit LUMEN estimée à près d’un milliard tombé en souffrance. Situation bien inquiétante qui a conduit, le 19 décembre 2019, le ministre de l’Economie et des Finances, Sani Yaya, à notifier à la direction générale d’Attijariwafa Bank Togo (ancienne BIA-TOGO), demandant la suspension immédiate de toute opération de retrait sur les comptes bancaires de LUMEN ouverts auprès de ladite banque. Ceci, pour souci de protection de l’épargne des membres de ladite Caisse explique le ministre.

Tentative de réparation

Dans la foulée, un liquidateur, Kouevidjin Folly Michel, expert-comptable du cabinet Tog’Audit Consulting, est nommé aux fins de procéder à la liquidation de LUMEN. Un processus de réparation de torts qui sera ponctué, très prochainement, selon les indiscrétions, par la vente des derniers actifs, des biens ou créances de ladite entreprise aux fins de récupérer des liquidités. Conduit par le Coordonnateur de la Cellule d’appui et de suivi des institutions mutualistes ou coopératives d’épargne et de crédit (CAS-IMEC), ce processus devra permettre, in fine, aux adhérents de rentrer en possession de leurs fonds en souffrance.

La légèreté du gouvernement

Si l’on peut se féliciter de la tentative de sauvetage des fonds, le fruit des années de souffrance et de labeurs d’une frange de ces togolais qui n’ont rien ni personne sinon que leur précieux épargne, l’on peut néanmoins se questionner sur la responsabilité du gouvernement. En effet, c’est un secret de polichinelle que l’ouverture d’une microfinance nécessite, en amont, une implication rigoureuse des autorités compétentes. En clair, il est du ressort du ministère en charge de l’Economie et des finances, au travers de la Cellule d’appui et de suivi des institutions mutualistes ou coopératives d’épargne et de crédit (Cas-Imec) de veiller à la régularité du processus par une étude mûrie et approfondie aussi bien sur les différentes constituantes que sur la moralité des personnes physiques conduisant le projet. Or, dans le cas d’espèce, nos recoupements révèlent que le Directeur général de la Microfinance LUMEN est connu, dans le monde de la microfinance au Togo, pour être un personnage peu scrupuleux, voire sulfureux. Il en est de même pour le Président du Conseil d’Administration, à en croire des sources concordantes, dont la moralité constamment sur le fil ne laisse pas bonne impression de lui.

Partant de ces éléments d’appréciation, il est plus que légitime que le doigt accusateur soit plus rigidement pointé, sur le gouvernement qui a choisi la légèreté en lieu et place de la rigueur dans la gestion du dossier d’agrément et pis dans l’exécution de son rôle de contrôle. Certes les soixante mille membres de LUMEN peuvent se féliciter de l’intervention du gouvernement qui leur fera éviter de justesse, le triste sort de leurs compatriotes victimes de IDH de l’ancien Premier ministre Kwassi Klutse, restés, depuis des années déjà, sans suite. Laissant donc ces derniers dans le dénouement total, sans savoir à quel saint se vouer. Toutefois, cela ne saurait occulter, le laxisme légendaire du gouvernement qui, dans le cas d’espèce, agit en médecin après la mort. Puisqu’il ne revient pas aux citoyens de faire l’enquête sur la moralité des promoteurs des institutions de microfinances. Mais bien le ministère en charge de l’Economie et des finances, par ses services techniques.

Et le ministère était bien au fait de l’escroquerie par laquelle Sitsope a pris l’acte de naissance de Lumen en son nom. Pis il était bien au fait du récent passé du DG de la nouvelle version de Lumen. Pourtant on a rien fait. Des sources confient qu’on a alerté les promoteurs pour se mettre en règle. Et quand ils ne se sont pas exécutés durant des années, qu’est-ce que l’État a fait ?

En Mai 2018, une mission de contrôle du ministère a découvert le faussé entre les collectes et les liquidités disponibles sur le compte de Lumen. Et sur le fait, on ne peut dire qu’on n’a pas vu les fils d’une supercherie quand une microfinance choisi d’avoir seulement le dixième de ses clients opérateurs comme membres statutaires et tout le reste en auxiliaires. Face à ce château de cartes, le ministère s’est contenté d’un avertissement au nom du strict respect des procédures en la matière. D’accord ! Mais de telles alertes ajoutées aux données existantes sur les deux responsables décisionnels de la boite, l’État aurait dû agir plus efficacement. Mais voilà que toute la vie de milliers de togolais de la plèbe est aujourd’hui rentrée dans les ténèbres parce que l’Etat les a laissés à la merci d’une fausse lumière (entendez Lumen en latin).

Nous y reviendrons.

Source : Fraternité