Prof David Dosseh, UST | Photo: DR

Être incapable de doter les populations d’infrastructures sociales, mais au même moment empêcher, par du zèle et à cause des calculs politiciens, des bonnes volontés d’en offrir aux communautés et ainsi satisfaire leurs besoins de base. Cela nuit au développement des localités pauvres et frise la méchanceté humaine. Mais c’est bien ce qui se passe dans nos contrées, à l’ère de la décentralisation criée sur tous les toits. Illustration avec les mésaventures des Universités sociales du Togo (UST) dans l’exécution de leurs œuvres sociales au service des populations.

Au-delà de leurs objectifs régaliens de renforcer la citoyenneté, promouvoir la participation citoyenne au développement, faire des plaidoyers pour l’amélioration de la gouvernance politique, sociale et économique, les Universités sociales du Togo (UST), ce collectif d’associations de la société civile et de citoyens engagées créé en 2016, mettent aussi la main à la pâte pour satisfaire des besoins de base des populations. L’un des cadres d’actions de ce volet, c’est le Programme jeunesse triennal (PJT) mis en œuvre depuis août 2019 avec l’appui de partenaires tels que Brot Fur die Welt (Pain pour le monde) et le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD-Terre solidaire).

Parmi les nombreuses actions déployées, le camp jeunesse assorti de construction d’infrastructures sociocommunautaires aux populations locales sur la base de leurs besoins exprimés. Les UST en ont organisé quatre (04) en trois (03) ans d’exécution du PJT et financé des ouvrages. A Togoville, le centre de prière (ou de cérémonies traditionnelles) a été rénové. A Zozokondji non loin d’Avetonou, ce sont six (06) blocs de latrines non vidangeables qui ont été offerts aux habitants. Malheureusement des entraves politiciennes sont faites par des zélés du régime et ont pour effet d’empêcher, par endroits, la réalisation d’ouvrages au profit des populations pourtant dans le besoin.

La réhabilitation d’une case de santé empêchée dans le Wawa

Un citoyen – nous taisons le nom- a eu l’idée de se rapprocher des UST, ayant appris les actions de l’OSC en termes de réalisation d’infrastructures sociocommunautaires. Il a sollicité cette organisation pour la réhabilitation d’une case de santé dans une petite localité – nous taisons ici aussi le nom – de la préfecture de Wawa et précisément de la commune de Wawa2. L’interlocuteur a également exprimé le besoin de dotation en infirmier et en sage-femme. Les UST répondent favorablement à la requête. Sauf qu’elles n’auront jamais l’opportunité de déployer cette action salvatrice au profit des populations.

Une délégation devrait se rendre dans ladite localité en août 2022 pour une mission exploratoire consistant à évaluer la réalisation du projet. Mais des pressions tous azimuts de cadres du pouvoir originaires de la localité entravent la démarche (en raison de l’implication de « l’opposant » David Dosseh) et la mission est annulée. Et donc la rénovation de la case de santé aussi.

Récemment, c’est à Glidji dans les Lacs que des autorités locales ont fait preuve de zèle. Un camp réunissant des dizaines de jeunes d’horizons divers en prélude à Epe-Ekpe de cette année, était censé permettre de réaliser des travaux d’intérêt communautaire comme la rénovation du dispensaire et l’installation de lampadaires solaires. Les activités avaient bien démarré, avec le soutien fort apprécié des autorités traditionnelles. Mais les entraves administratives n’ont pas tardé à faire jour.

Klotchome Edouhoue sevré de 3 latrines et d’une installation solaire

Un camp jeunesse devrait avoir lieu les 11, 12 et 13 avril 2022 à Asrama et rassembler dix (10) jeunes du canton et trente (30) autres de différentes localités du Togo. Au programme des travaux communautaires, les participants devraient planter des arbres fruitiers, faire des séances d’ecojogging et ramasser les ordures, entre autres. Le point d’orgue devrait être la construction de trois (03) latrines et l’installation d’un dispositif solaire au profit des habitants de Klotchome Edouhoue, une petite localité située à une trentaine de kilomètres de Notsè et dépourvue d’électricité.

« D’un coût total d’un million sept cent mille (1.700.000) FCFA mobilisé par les UST auprès de ses partenaires, ce projet de latrines devrait permettre aux habitants de satisfaire leurs besoins en un lieu propice et ainsi mettre fin à la défécation dans la nature avec son cortège de désagréments et de maladies, et l’installation solaire suppléerait un tant soit peu le manque d’électricité et offrirait aux habitants l’occasion de recharger du moins les téléphones portables. Mais l’initiative ne sera jamais concrétisée ; pour cause, l’obscurantisme des autorités locales, notamment le préfet de Haho, le sieur Awo Tchangani et son dévoué le chef canton d’Asrama, Togbui Mawuko Komlan Edo II », écrivions-nous dans la parution N°1022 du mardi 12 avril 2022.

En effet, après des manœuvres diverses visant à décourager les organisateurs du camp jeunesse (notamment le refus manifeste de leur louer l’hôtel de la localité), le préfet Awo Tchangani finit par exiger du Coordonnateur des UST une autorisation préalable du ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et du Développement des territoires pour construire ces blocs de latrines et l’installation solaire, après avoir réclamé le récépissé de l’OSC. « Il serait bien que vous vous adressiez au ministre de l’Administration territoriale. Si vous ne pouvez pas le faire, là on suspend l’activité et vous pouvez faire ça ailleurs », aurait dit en substance le préfet Awo Tchangani » au Coordonnateur des UST, rapportions-nous. C’est ainsi que la construction de ces ouvrages au profit des populations de Klotchome Edouhoue a été annulée.

L’indignation de David Dosseh

« Il y a un zèle intempestif et pathologique évident de la part de certains responsables locaux. Certains cadres du parti au pouvoir, empêtrés dans un égoïsme sans borne et une méchanceté inégalée, sont également en cause. Ils ont tout le confort chez eux, mais pour des raisons politiciennes, ils empêchent des concitoyens d’apporter un minimum de soulagement à des communautés en situation précaire. Il faut que ça cesse !».

Le Coordonnateur des UST ne croit pas si bien dire. Ces entraves sont les effets du zèle politicien. Mais il râle face aux préjudices causés aux populations pauvres. « Les camps jeunesse sont des moments uniques pour cultiver le vivre-ensemble et reconstruire le tissu social délabré par tant d’injustices sociales. Les travaux communautaires répondent à des besoins exprimés par les populations elles-mêmes et nous essayons d’y répondre. Vous n’imaginez pas combien une latrine publique ou un simple lampadaire peut changer la vie d’une communauté. Je suis indigné de voir des représentants locaux être ceux qui contribuent à perpétuer le malheur de leurs propres communautés », peste Prof David Dosseh, interrogé sur ces entraves, accusant ces hommes du régime de confondre politique politicienne et gestion de la cité.

Il a l’intime conviction que c’est sa personne qui pose problème à ces zélateurs au regard de ses prises de positions politiques. Mais ce que le commun des Togolais ne sait certainement pas -l’intéressé même s’est retenu de faire de la propagande autour -, c’est grâce aux plaidoyers et lobbyings de cet opposant (sic) auprès de partenaires du Togo que le Service des urgences chirurgicales et le bloc chirurgical du Pavillon militaire du CHU-Sylvanus Olympio ont été réhabilités et équipés. « Si c’est de la politique politicienne, alors allons au bout de la logique ; que ceux-là prennent la décision aussi de fermer » ces services, requiert-il. Malgré ces entraves tous azimuts, Prof David Dosseh ne compte pas abdiquer. «Quand vous avez une jeunesse à construire, des communautés dans le besoin, vous ne pouvez pas baisser les bras », confie-t-il.

Source: L’Alternative / presse-alternative.info