Photo : DouRix

Le 25 février dernier, le gouvernement togolais a amorcé la mise en œuvre du projet d’extension de la sécurité sociale aux acteurs de l’économie informelle. C’était au cours d’une cérémonie présidée par le Ministre de la fonction publique, du travail et du dialogue social, Gilbert Bawara. Si cette extension se veut, par essence, salutaire, l’on ne saurait commettre l’imprudence de vite crier victoire. Et pour cause.

Le Togo et la protection sociale

Par décret pris par le président de la République en 2011, le Togo expérimente la politique de police d’assurance, à travers l’assurance maladie. Menée depuis lors par l’Institut national d’assurance-maladie (Inam), cette politique assure la couverture des risques liés à la maladie, aux accidents et maladies non professionnels et à la maternité des agents publics et de leurs ayants droit.

Après presque dix années d’expérimentation, le Gouvernement se lance le défi d’étendre cette assurance maladie à toutes les couches sociales du pays. Surtout celles qui opèrent dans le secteur informel. Une frange de la population estimée à environ 3,5 millions de travailleurs de l’économie informelle dont 52% de femmes.

Pour ce faire, le ministre du Travail, Gilbert Bawara a lancé, la semaine dernière, une variante du projet visant notamment à permettre d’accélérer le processus amorcé depuis quelques années, et garantir un accès effectif de l’informel à la sécurité sociale.

Vers le concret?

En effet, cette initiative, mise en œuvre par la Caisse nationale de sécurité sociale (Cnss) et le Bureau international du travail (Bit) avec l’appui de l’Union européenne (Ue) se caractérise notamment par la mise en place de la commission de pilotage du projet. Laquelle commission est composée de plusieurs institutions, à savoir la Cnss, l’Inam, l’Otr, la Dosi et le Cameg. Pour ce faire, ce comité devra s’inspirer de la cartographie des acteurs de l’économie informelle réalisée en 2018 et de la campagne de concertation effectuée l’année suivante.

Par description, l’on sent donc que la sécurité sociale que définit le ministre Bawara comme «une priorité pour le gouvernement, qui a fait de l’inclusion sociale, le socle de son action», a visiblement le vent en poupe. Mais alors, entre les bonnes intentions et les actes, Faure Gnassingbé semble être à l’épreuve du pragmatisme et du réalisme.

Voir pour croire…

Il est vrai que bien que balbutiant à ses débuts, ce système a tout de même permis de prendre en charge, à ce jour, près de 300.000 personnes. Malheureusement, il se fait que l’Inam qui compte parmi ses partenaires prestataires, 90% des centres de santé et 95% des pharmacies n’a de cibles que ceux qui sont, plus ou moins, mieux lotis dans la société. Raison pour laquelle l’extension de ce régime de couverture sociale aux couches vulnérables, annoncée par le Chef de l’État sonne, raisonnablement, comme un véritable ouf de soulagement pour des millions de togolais qui ploient sous le poids de la pauvreté.

Mais alors, des tares reconnues au régime cinquantenaire de Lomé qui tient difficilement à sa parole amènent nombre d’observateurs à développer des relents de scepticisme face à cette annonce qui devrait plutôt faire plaisir. En effet, le gouvernement togolais est généralement connu pour ses effets d’annonce plutôt que de s’inscrire dans le pragmatisme. Sur les quinze années passées au pouvoir, Faure Gnassingbé, outre la politique des grands travaux, a plutôt brillé par son absence sur bien d’autres chantiers plutôt importants, comme la lutte contre la corruption. Même les différents projets et programmes de développement compilés ces dernières n’ont pu permettre de lutter efficacement contre la pauvreté, toujours ambiante dans le pays.

Ce ne sont pas les moyens qui manquent pour arriver à cet idéal rêvé. Mais dans un pays où l’on meurt pour défaut de moyens et de soins primaires, il y a de quoi jouer au craintif. Les togolais sont, de tout point de vue, en droit d’espérer toucher du doigt l’évidence avant de croire à la bonne nouvelle qu’est l’extension de l’assurance maladie à toutes les couches sociales du pays, surtout les vulnérables qui souffrent plus le martyr. Car, aux belles paroles, les togolais sont presque habitués. Que la gouvernance autrement que prône dame Victoire parvienne à impacter positivement la perception que les togolais ont de leurs gouvernants en joignant plus l’acte à la parole. Sinon, l’assurance maladie à tous les togolais, nul ne saurait ignorer tout l’impact de cette politique sociale sur la qualité de vie des gouvernés dans la cité. Ces derniers ne demandent d’ailleurs que ça. Se faire traiter par l’État, au nom du principe de la redistribution des ressources du pays, même si à la base, l’on a pas les moyens, soi-même, de s’offrir les traitements en bonne et due forme.

Source : Fraternité