Poignant Témoignage d’un détenu qui a eu la vie sauve et réussi à quitter le Togo le jour même de sa libération.

Ce récit doit parcourir le monde entier afin que cessent ces pratiquent d’une autre époque qu’entretiennent les dirigeants du Togo, fondamentalement inscrits dans une politique de tuer les citoyens de ce pays déjà victimes d’une dictature héréditaire qui n’a aucun respect de la vie et de la dignité humaine.

Le Togo, qui aujourd’hui n’a de centres de santé que de mouroirs comptent aussi des prisons qui sont de véritables camps de concentration maquillés en maisons d’arrêts, où se mêlent et s’entremêlent des centaines de détenus qui n’ont pas leur place dans ces ‘’Guantanamo’’ modernes.

Dans un pays où les tortionnaires, les criminels d’Etats, des tueurs d’enfants jouissent d’une impunité royale, la prison par le biais d’une justice pourrie est devenue le lieu par excellence pour mettre au silence des citoyens, leaders d’opinions et hommes politiques qui osent rêver d’un Togo de justice, ce qui n’est pas une réalité depuis plus de 53 ans que la famille Gnassingbé a fait du Togo un royaume d’impunité, une jungle où le faible n’a pas d’issue.

Bienvenue dans les méandres de cet enfer nommé Prison Civile de Lomé (PCL) avec ses fours crématoires, qui n’ont rien à envier à Guantanamo ni à Auschwitz.

Pour mieux cerner l’univers carcéral infernal auxquels sont confrontés les détenus, il est important de relever que la prison de Lomé n’est pas compartimentée. Les détenus politiques et ceux de délits mineurs sont mélangés avec des criminels chevronnés et dont la plupart sont condamnés à perpétuité.

Les détenus de délits mineurs sont donc exposés à des risques avérés d’agressions pouvant aller jusqu’à l’atteinte de leur vie.

Il apparait clair que ces détenus en détention préventive de surcroit en présomption d’innocence sont comme des condamnés à mort à force de côtoyer des condamnés à perpétuité qui n’ont plus rien à perdre, ni à craindre.

Un crime que l’Etat du Togo commet vis-à-vis des personnes en détention préventive.

Où est alors la présomption d’innocence si une personne est contrainte de côtoyer des condamnés à perpétuité ? Si ce dernier lui enlève la vie, cet acte odieux ne changerait rien au sort de ce criminel qui se sait condamner et qui sait n’a rien à perdre mais un détenu de faits mineurs court constamment le risque de perdre la vie à tout moment.

Par ailleurs, il y a des détenus qui sont incarcérés depuis 5 ans sans être jugés. D’autres peuvent rester dans cette détention au secret qui ne dit pas son nom 3 ans, 5 ans, 7 ans voire 10 ans sans aucun procès.

Le baptême de feu ou d’enfer.

Dès que tu arrives le premier jour tu as droit à ce qu’ils appellent dans leur jargon le ‘’Baro’’, sous la supervision du chef bâtiment (CB) et du chef cellule (CC).

L’effectif dans les cellules varie entre 40 et 100 détenus dans des pièces de 24 m², soit moins d’1m² par détenu.

Dans les cellules appelées ‘’Isolé’’, on dénombre jusqu’à 11 détenus agglutinés dans une surface de 2 mètres sur 2.5 mètres. Les détenus d’une même cellule sont appelés des ‘’batimentaires’’.

Le ‘’Baro’’ consiste à soumettre le nouveau détenu à une petite initiation. Ce dernier est placé au milieu de la cellule en présence de ses ‘’batimentaires’’, il répète les gestes de salutations qui consistent à crier fort et à dire trois fois « salue chers ‘’batimentaires’’ tout en faisant des gestes à la Allah Akbar.

Ensuite, le chef batiment te force à répéter trois fois le nom des ustensiles utilisés la nuit dans la cellule à savoir :

‘’Vedounatoto’’, pot en plastique dans lequel les détenus font les besoins la nuit, en présence de tous les détenus qui ne se couvrent que d’un bout de pagne. Une pratique bien malsaine puisque les autres détenus sont obligés de respirer l’odeur nauséabonde qui se répand.

Il y a un vedounatoto pour les selles et un autre pour les urines.

Pour uriner le détenu le fait dans un gobelet et le verse dans le grand pot installé au centre de la cellule. Or les détenus sont couchés les uns collés aux autres comme des sardines et il y a n’y a même plus de place pour poser les pots. Le pot d’urine est accroché à demi hauteur pour laisser place à certains détenus de trouver quelques centimètres pour se coucher sous ce pot. Ainsi quand on prend le gobelet pour uriner, tu as la tête des gens sous toi, l’urine suinte parfois et se verse sur eux. Cette place est souvent réservée aux détenus misérables.

Ces derniers, ne pouvant pas payer les frais de réabonnement de chambre et autres frais. Ils sont également livrés aux sales besognes ou corvées et contraints de vider les pots de selles et de pipi tôt le matin dès l’ouverture des cellules. Ils transportent les pots sur la tête ou sur les épaules et font ‘’le vidange’’ et le lavage dans les douches.

‘’Je me souviendrai toujours de ma première nuit’’.

J’ai fait une crise d’asthme alors que je ne suis pas asthmatique tellement je suffoquais dans la chaleur au point qu’ils étaient obligés de me sortir de la cellule pour me mettre dans le hall.

La seconde nuit ils nous ont encore enfermé dans la cage et je suffoquais mais jusqu’au petit matin personne n’est venu ouvrir la porte en fer blindé dont la fermeture fait un bruit qui fait sursauter et fait battre le cœur des détenus.

Même un chien ne dort pas dans un endroit pareil. Et pourtant ceux qui dirigent le Togo disent être attachés au respect de la vie, de la dignité et des droits les plus élémentaires de l’humain. Que des discours. La réalité est effroyable, impensable et démontrent que ceux qui dirigent ce pays sont de vrais monstres dans des habits d’hommes.

A la Prison Civile de Lomé, tout est organisé et suivant des horaires bien précises.

Dès 17h15, le chef ‘’crieur et ses ‘’collègues’’ lancent un cri qui s’appelle ‘’allégo’’ (combinaison d’aller et de go’’ étant donné que certains détenus sont anglophones. C’est pour dire qu’il est temps d’aller (go en anglais) et de rentrer chacun dans sa cellule.

Juste après ‘’l’allégo’’, les 1800 détenus doivent s’agglutiner dans leurs cellules respectives. Il faut rappeler que la prison de Lomé est construite pour accueillir au maximum 666 détenus et non près de 2000.

Les SAP (Services de l’Administration Pénitentiaire) passent à 18h pour fermer chaque porte de cellule et emportent les clés.

Une fois rentrés, les détenus qui ont la chance d’avoir un espace d’environ 30 cm sur 1.5 mètres mettent leur pagne ou matelas ou se couche à même le sol.

L’exiguïté de l’espace oblige les détenus à se coucher de profil, collés les uns aux autres et sont tenus de garder cette position jusqu’au petit matin. Impossible de se retourner.

Pour tenir dans l’espace insuffisant, quand le premier détenu envoie sa tête vers le mur, le suivant y met son pied et ainsi de suite. Ils sont entassés comme des sardines dans une boîte.

La nuit pris dans un profond sommeil certains détenus envoient leurs orteils dans les yeux ou le nez de leurs voisins, sans parler des pets qui embaument les cellules et rendent l’air irrespirable déjà chargé de sueur et d’odeur de pipi et de selles.

Collés l’un contre l’autre, les problèmes de contamination et des infections cutanées sont légions.

Des urticaires à la varicelle en passant par les zonas et autres maladies de peau.

Ceux qui dorment à même le sol cohabitent avec les cafards, les souris, les bestioles de tout genre sans oublier le risque de piqures et de morsures mortelles que cela comporte.

Des cellules exiguës, non aérées dans un pays où la chaleur est presque caniculaire avec des moments de délestage comme les ‘’dieux’’ de l’électricité au Togo savent en offrir aux populations.

La plupart des cellules sont dotées de ventilos, tout récemment grâce à une ONG qui en a fait don.

Mais les coupures fréquentes du courant électrique font monter rapidement la température des cellules déjà chauffées par les corps des détenus. Comme disent souvent les prisonniers, ‘’c’est quand on coupe le courant que tu sais ce que c’est que la prison de Lomé’’.

Les détenus vous le constatez à la lecture de ce récit sont traités comme des condamnés à mort.

Les cellules étant bondées en cas de coupure de courant, la sueur se transforme en vapeur qui se condense au plafond et retombe comme des gouttelettes d’eau, dans des cellules aux murs épais de 40 à 60 cm d’épaisseur.

Les prisons au Togo ont-elles quelque chose à envier aux fours crématoires d’Hitler ?

La souffrance des détenus est indescriptible. A croire que c’est fait à dessein. Les laisser dans des conditions effroyables afin qu’ils meurent à petit feu.

Sans exagération aucune, la prison de Lomé notamment est bien comparable au camp de concentration d’Auschwitz.

La position assise ou couchée que leur imposent les conditions a rendu la peau des fesses décorée de petits boutons, parfois de plaies. Pour certains la peau tant à s’effriter à force de s’asseoir sur des surfaces dures cimentées et rugueuses.

Autres faits qui retiennent l’attention

Les chefs bâtiments vérifient parfois la puanteur des oreillers de ses ‘’batimentaires’’ en humant l’odeur de chacun. Près de 40 oreillers à humer et ceci périodiquement.

Quand il constate que l’oreiller d’un détenu sent mauvais il lui demande de le sécher le lendemain ou d’en acheter un nouveau. L’oreiller se vend à 300 francs CFA l’unité, fait par des détenus reconvertis ou improvisés en couturiers ou tapissiers pour la circonstance dans l’enceinte.

Les effets personnels des détenus, notamment des vêtements, des réserves de nourritures cuites ou non sont dans des sacs accrochés au mur par le biais de fil et de clous pincés dans le mur. Ces sacs tombent parfois sur les détenus couchés quand le fil se rompt ou quand ils sont mal accrochés.

Dans certaines cellules des séances de prières sont instaurées, les détenus de confession musulmane finissent leur prière de 18h les soirs et les chrétiens prennent le relais.

Note positive en matière de tolérance ; c’est seulement en prison que vous verrez le même endroit servir de chapelle pour musulmans et chrétiens sans que cela ne gêne personne. Les prières bruyantes sont strictement interdites.

Les ¾ voire la moitié des détenus utilisent clandestinement un téléphone.

Quand un détenu est souffrant le chef bâtiment appuie sur un bouton-sonnerie et le signal parvient aux SAP qui sont de garde. Ces derniers viennent devant la cellule s’acquérir de ce qui se passe. La nonchalance des surveillants lorsqu’un détenu est souffrant et dont l’état nécessite une évacuation urgente est scandaleuse. Une non-assistance notoire à personne en danger. Alors même que la vie est sacrée de même que la santé. Le Togo est pourtant, champion en matière de ratification des textes de droits de l’homme.

Le drame est que, pour des maladies de peau surtout, même si tu te soignes, l’autre qui n’a peut-être pas les moyens de le faire ou qui ne pratique pas une hygiène de vie te contaminera de nouveau.

Les détenus qui souffrent de maladies contagieuses notamment la tuberculose ne sont pas isolés. De même que ceux qui souffrent de troubles mentaux partagent les cellules avec ceux qui sont psychologiquement ‘’sains’’.

Au petit matin vers 5h30, les SAP de garde font la ronde dans l’enclos scrutent les coins à la recherche de fugitifs avant d’entamer l’ouverture des cadenas des portes de chaque cellule. Les détenus doivent attendre le signal puis celui du chef bâtiment avant de sortir de la cellule.

De grosses bousculades marquent la sortie des cellules juste pour prendre d’assaut la dizaine de douches disponibles pour les 1800 détenus.

S’en suit la longue queue pour s’offrir l’unique douche de la journée. Les douches sont tellement sales avec des moisissures partout, rendant le sol glissant.

Les détenus sont obligés de s’agglutiner entre 10 et 20 personnes autour de 3 seaux d’eau pour se laver nus devant tous, l’eau du corps de certains, retombe dans le seau avec la mousse, un problème d’hygiène en somme. Mais entre s’offrir une douche avec la mousse d’autrui et ne pas en avoir du tout, le choix est difficile mais s’impose.

Quand un père de famille se voit enfermé dès 05h de l’après-midi et n’est autorisé à sortir de sa cellule qu’après 06h00 du matin et ceci tous les jours pendant des semaines, des mois et des années ça doit donner à réfléchir.

Une fois dehors, dans la cour de la prison, vous êtes sujet aux bousculades sans ménagement, exposés aux scènes de bagarres incessantes et violentes avec des coups de couteaux et autres armes blanches.

Dans la cour et les allées vous êtes exposés à la fumée de cigarettes et surtout de cannabis de fumeurs qui prennent un malin plaisir à vous l’envoyer au visage quand vous passez votre chemin, dans le seul but de vous provoquer.

L’autre fléau et il faut l’appeler ainsi, c’est la nuisance sonore. C’est en prison que vous expérimentez les effets nocifs et la puissance de la nuisance sonore. Tellement vos tympans sont exposés tous les jours aux forts décibels provenant des sons de musique, des chants de différents offices religieux interminables qui se succèdent dans la journée ( protestant, catholique, musulman, céleste, etc…), des cris stridents de tout genre et des crieurs qui vont chercher les détenus qui ont de la visite… sans compter les sons des tam-tams.

Vous êtes condamnés à rester debout ou assis, et vous avez toutes les difficultés du monde pour poser vos fesses.

Dans les cellules c’est le problème de place, dans la cour c’est pareil. Là même, comme un terrain qu’on acquiert, les places sont vendues et deviennent des propriétés privées pouvant coûter 150.000 f CFA pour une petite superficie de 1,5 sur 1,5m.

En quittant, le « propriétaire’’ cède la place à un nouvel acquéreur. Une pratique courante dans l’enceinte au vu et au su de l’administration.

Ces places sont donc discutées quand un détenu retrouve la liberté et laisse l’espace qu’il occupait et qu’il avait aménagé à ses propres frais ; c’est donc pour récupérer une partie de l’investissement qu’il vend la parcelle à un nouveau détenu. La pratique est connue de l’administration pénitentiaire qui recommande souvent à l’ancien acquéreur d’informer l’administration du nom du nouveau propriétaire pour éviter que la place ne soit plus disputée par d’autres détenus. Certains se bagarrent pour ces places.

Pendant ce temps, d’autres détenus sont obligés de squatter les abords des égouts puants pour rester debout sous le chaud soleil, où pour poser leurs fesses sur un bidon d’huile coupé en deux qui leur sert de siège … et ça c’est pour les plus chanceux.

La prison de Lomé, la palme de l’insalubrité

L’insalubrité au sein de la prison est un sérieux facteur à noter dans les causes de décès. Le sol est noir comme du charbon de bois sans oublier les odeurs des égouts et celles des poubelles improvisées. Certains détenus crachent la morve partout dans les allées.

Prendre sa douche au sein de cette prison est plus qu’une torture psychologique. Les détenus sont obligés de se laver nus à ciel ouvert dans des espaces aménagés à côté de la cour alors que juste à côté certains font leur cuisine.

Demander à un Père de famille de se doucher nu devant tout le monde constitue pour certains un traumatisme psychologique. L’eau de douche et les urines giclent sur les autres qui se douchent avec vous. ‘’Tu peux recevoir en plein visage la mousse sale d’un codétenu au visage, certains se permettent d’agiter leur éponge avec l’eau et la mousse sur le corps de leurs compères lors des douches d’ensemble’’.

Lorsque les fosses septiques et les puisards sont remplies, l’eau remplie de matières fécales remontent dans les douches avec une odeur insupportable, même quand on finit d’évacuer ces eaux usées l’eau qui emplit les douches saoule au point que certains peinent à se doucher.

Sous de minuscules hangars de fortune, certains détenus font la cuisine, les autres exposent des produits de premières nécessités qu’ils vendent. La cour de la prison ressemble à un vrai marché où certains offrent les services de tout genre (petite couture, coiffure, tatouage, etc.)

Il y a certains coins de la prison où des détenus fument allégrement le chanvre indien et le cannabis.

Ne parlons même pas de la cigarette.

Les visites à la prison, véritable mafia

À 09 heures du matin, commencent les visites, un véritable phénomène de mafia s’est organisé autour de ces séances.

Officiellement chaque visiteur paie un ticket de 200 f CFA lui donnant droit de rendre visite à un parent ou un proche.

Malheureusement, quand le visiteur veut accéder à l’entrée principale de la prison, le chargé d’ouverture du grand portail sollicite 200 FCFA avant d’ouvrir la porte, le SAP qui appelle le nom du détenu visité également demande de l’argent soit 200 f CFA, celui qui doit prendre le colis et le remettre au détenu 200 f CFA , le crieur qui va envoyer ses enfants venir te chercher dans ta cellule aussi exige 200 FCFA ou 100 FCFA pour chaque appel ou visite. Même le détenu qui va te trouver une place au parloir va réclamer ses 100 F CFA.

Souvent les parloirs sont bondés de monde or il n’y en a que 12 pour plus de 1800 détenus avec en moyenne 200 visites au quotidien. 12 parloirs pour 200 visiteurs, imaginez la bousculade.

Dans les parloirs il fait chaud, les bruits sont tellement assourdissants et montent à la tête, difficiles d’échanger sereinement dans ces conditions avec son visiteur.

Les visites se déroulent le matin de 09h00 à 11h30 et de 15h00 à 16h30 dans l’après-midi.

Passer la nuit à la prison de Lomé c’est côtoyé la mort chaque seconde

La nuit assez souvent, on observe des détenus qui font des crises dans leur cellule.

Parfois les Services de l’Administration Pénitentiaire (SAP) mettent 30 à 45min pour venir ouvrir les cadenas et faire sortir le malade. Ils lui demandent s’il a 2000 FCFA pour payer les frais d’infirmerie.

S’il n’en a pas, ils laissent le détenu malade sous les escaliers, un endroit où il peut au moins allonger ses pieds, se coucher de dos ou poitrine contre terre et se rouler sur lui-même en se tordant de douleur, puis ils ferment la porte sur lui jusqu’au lendemain.

Certains détenus rendent l’âme sous les escaliers, les plus chanceux sont sauvés par les lueurs du soleil levant qui emmènent une bonne volonté à payer les 2000 FCFA donnant droit aux soins à l’infirmerie.

L’évacuation au CHU notamment au ‘’Cabano’’, lieu où sont ‘’soignés’’ les détenus est soumise à des formalités et tracasseries administratives indescriptibles puisqu’il faut parfois attendre le OK des plus hautes autorités pour certaines catégories de détenus.

Une prison violente

Selon les témoignages, le degré de violence a considérablement régressé au sein de la prison. Dans un passé encore récent presque 1 jour sur 2, on note des scènes de violence avec des détenus armés de couteaux poignardant leurs codétenus. Ils se livrent à des bagarres d’une violence inouïe devant des SAP parfois impuissants.

L’usage des stupéfiants de tout genre, les conditions de détention exécrables rendent les détenus souvent nerveux et colériques.

La prison de Lomé, lieu de trafics de toutes sortes

La masse monétaire qui circule dans la Prison Civile de Lomé (PCL) s’estime à environ 10 millions de francs CFA le mois.

Tellement les trafics de tout genre sont monnaies courantes.

Vente de cannabis, de crédit de communication, des produits de premières nécessités, de charbon de bois, des cigarettes, bref tout, y compris le sexe.

Le café-rhum qu’on vend à 100 f cfa hors de la prison se vend à 500 f CFA l’unité à l’intérieur de la PCL.

‘’Je suis en cellule avec de grands dealers de drogues, des criminels, des escrocs et des gens qui ont détourné des fonds publiques’’.

L’accès aux cellules VIP d’en haut est une autre paire de manche, un vrai business entre le CC (Chef de Cour), le régisseur et le Chef de Prison.

Il faut débourser entre 50.000 FCFA et 100.000 FCFA pour s’offrir une place dans le ‘’paradis’’ de la prison.

Les Nigérians grands trafiquants de drogue y ont élu domicile et font la loi.

Tous les détenus n’ont pas la chance de se coucher allongés à même le sol, par manque de place, certains sont juste assis accroupis les jambes entrecroisés et talon aux fesses, et le suivant s’assied dans la même position collé à l’autre et ils forment une ligne le long du mur et c’est dans cette position inconfortable qu’ils s’appuient l’un sur l’autre pour dormir. Certains voient leurs pieds enflés à cause de la mauvaise circulation sanguine.

Les moins chanceux, ils sont tenus de rester debout, et les détenus alternent position debout et position assise durant toute la nuit du genre « tu restes assis pour dormir quelques heures pendant que je suis debout, ensuite tu te lèves pour que je m’assieds pour prendre le relais du sommeil, et ainsi de suite’’.

La plupart des détenus de ces cellules appelées « chapement » ont la peau couverte de ce que nous appelons en langage vernaculaire « fifiôkpa » ou encore boutons de chaleur. Ils sont sujets à toute sorte d’infections dermatologiques.

‘’Je n’ai pas eu la chance ou la malchance de vivre cela, mais un ami détenu en a payé les frais la toute première semaine de son incarcération. Au 3ème jour, j’ai dû me battre pour qu’il regagne ma cellule où on était déjà 40 personnes mais au moins chacun pouvait s’allonger de profil.

Du « Champagne à la prison de Lomé

Il s’agit de « akoumê delayé » , la pâte de maïs délayée. Pour certains détenus qui n’ont pas les moyens de s’offrir un petit déjeuner, ils réservent une partie de la pâte journalière et ils mettent cela dans l’eau comme on délaye la farine dans de l’eau sous forme de bouillie. Ils les mettent dans des bidons d’eau de 1.5 litres pour la conserver jusqu’au petit matin, c’est ce qui leur sert de petit déjeuner.

Le matin, quand ils ouvrent la bouteille, compte tenu de la fermentation, du gaz sort de la bouteille comme quand on ouvre une bouteille de Champagne, d’où le nom Champagne de cette pâte délayée (akoumê-fafan).

Ceux qui ont des réserves de « Champagne » mettent en vente leurs bouteilles à 50 f CFA.

Tristes confidences, parmi tant d’autres

‘’J’étais devant la douche et je vois deux détenus qui se frottent énergiquement les dents avec quelque chose qui ressemblait à un bout de tissu blanc. Quand j’ai poussé la curiosité pour savoir ce que c’était j’ai été horrifié par ce que je venais d’apprendre’’.

N’ayant pas les moyens de s’offrir de la pâte dentifrice et une brosse à dent (ou même du cuire dent), ces détenus ont trouvé bon, après avoir mouillé et laver leurs caleçons, de se servir de ces caleçons mouillés pour nettoyer leur dent après la douche. Eh oui, ça se passe à la prison civile de Lomé.

Les scènes de bagarres sont pourtant légions même si certains détenus estiment que la fréquence a baissé. Un jour, deux jeunes détenus l’un visiblement ivre et le second drogué, se sont cassés la gueule. Le plus jeune a perdu deux incisives et du sang coulait de leurs lèvres.

Une des horreurs qui me hantera pour longtemps, c’est le jour où un détenu a perdu son enfant devant la prison. L’enfant était souffrant, sa mère l’a amené à l’hôpital et est venue pour prendre l’argent des soins chez le papa détenu. Elle est arrivée vers 13 heures pour la visite de 15 heures.

Subitement elle commence à crier et on constate que l’enfant venait de rendre l’âme. Emoi total.

La Prison en émoi. Encore un décès ce matin, le nigérian Chaco Nwandike condamné aux assises à dix ans pour trafic de drogue’’.

Il était dans sa sixième année de purge. Selon ces Co détenus il avait du mal à respirer. Certains disent que ça doit être une infection pulmonaire mais franchement personne ne sait réellement de quoi il est mort.

Il était en prison quand sa femme qui venait lui rendre visite est tombée dans une embuscade de Boko Haram à la frontière Benin-Nigeria.

En fait il paraît que quand on a prononcé la sentence aux assises, il a vu le chemin qui lui reste à faire dans cette horreur et il n’a pas pu digérer le coup. Il avait l’espoir d’être libéré ayant déjà purgé plus de cinq années. Mais quand il a écopé de dix ans de prison il a fait une crise de palu avec une tension artérielle assez élevée. Malheureusement il a rendu l’âme quelques jours plus tard.

Avant ce nigérian il y avait un guinéen qui est décédé à la suite d’une crise. Il était dans sa dixième année de détention. Il pissait du sang à croire que ses organes ont lâché brusquement et le temps que l’administration pénitentiaire fasse les formalités il a rendu l’âme dans sa cellule. Une scène traumatisante pour ses Co détenus.

L’année 2018 a enregistré une trentaine de décès de sources concordantes, puisque toutes ces horreurs se passent dans l’anonymat le plus total. Les parents sont appelés pour venir chercher leurs enfants ou proches décédés. Aucune disposition n’est prise pour élucider les causes de ces décès aucune autopsie, ni un début d’enquête.

‘’Nous sommes tous des condamnés à mort dans ce camp de concentration d’Auschwitz à la Togolaise. Ceux qui partent ne sont pas moins forts mentalement que nous. Les conditions sont plus que horribles et les mots sont moins forts pour les décrire’’.

La prison de Lomé,  record Guinness des maladies cutanées

La peau des détenus est couverte de petits boutons partout sur le corps. Ils se sont grattés, au point que les égratignures ont laissé des plaies un peu partout. Mais malgré cette situation ils sont enfermés tous les jours dans ces fours crématoires appelés cellules.

La prison de Lomé, lieu de contamination de maladies ‘’graves’’

Dans la prison, il existe une cellule dédiée aux malades chroniques et une autre dédiée à ceux atteints de maladies infectieuses comme la tuberculose et autres…

Le drame, c’est que ces malades ne sont pas isolés du reste des détenus, et le risque de contamination à grande échelle est réel.

Ils se pavanent dans la cour et malgré leur santé fébrile et leur soucis de respiration, ils sont contraints de se déplacer pour faire la queue et s’offrir le seul repas du jour. Faire la queue avec des tuberculeux ? Que Dieu ait pitié de tout ce monde, exposé tous les jours.

Parmi eux, ceux qui n’ont plus la force de se déplacer pour faire la queue sont obligés de rester ventre creux, cloitrés dans la cellule des malades.

En quoi, un détenu qui choppe la tuberculose en prison et s’affaiblit de jour en jour constitue un danger pour la nation au point d’être maintenu en détention plutôt que de le faire soigner pour qu’il ait la vie sauve et continuer après sa guérison à purger sa peine si tant est que le délit commis est grave et avéré ?

Des repas indignes même des animaux servis aux détenus.

La provision constituée pour le repas du jour n’est pas faite en fonction du nombre exact des détenus. « On distribue et quand ça finit, c’est fini ». Le reste des détenus qui n’a pas pu avoir cette pitance est laissé à la merci de dame nature. Ce qui fait que les bousculades sont assez fréquentes lors de la distribution des mets.

Il faut voir même la qualité de ces repas. A la simple vue tu perds même l’envie de goûter à ces plats dégueulasses qui servent juste de bourratif aux détenus qui n’ont pas le choix.

Certains au début font la diarrhée mais avec le temps leur estomac s’y adapte tant bien que mal.

Le calvaire en saison pluvieuse

Après une petite pluie, l’eau de pluie remplit les égouts, les puisards et les fosses septiques. Toute la cour de la prison est inondée. Le niveau de l’eau monte jusqu’à rentrer sous les escaliers et rentre dans certaines cellules. Les détenus sont contraints de plier leur lits et petits matelas mouillés et ne peuvent plus dormir restant debout toute la nuit jusqu’au petit matin.

Monte alors une odeur nauséabonde qui envahit toute la prison et qui indispose aussi bien les détenus que les agents de l’administration qui sont de garde.

L’eau de pluie mélangée avec l’eau des fosses septiques fait remonter des matières fécales au point que la couleur de l’eau devient noire comme du charbon de bois drainant toute sorte de microbes et de bactéries. Les détenus sont condamnés à marcher pieds nus dans ces eaux exécrables avant d’aller prendre leur douche.

« Quand il pleut je reste des jours sans me doucher parce que l’eau qui a envahi la cour est noire car mélangée de l’eau des puisards et des fosses septiques. On aperçoit même les restes des matières fécales à la surface de l’eau. Traverser à pieds cette eau avant d’aller se doucher et la traverser en sens retour après s’être douché il faut être courageux pour le faire. Du coup je préfère rester sans me doucher ».

Les prisons au Togo doivent s’humaniser

Voilà décries, les conditions horribles et terrifiantes dans lesquelles des citoyens togolais, des citoyens d’autres pays, des êtres humains sont détenus sous la dictature clanique de la minorité au pouvoir depuis plus de 50 ans au Togo.

Aucune réinsertion sociale n’est possible pour un être humain qui fait un séjour en prison au Togo. Il en sortira une version plus dramatique que ce qu’il était avant d’être jeté en prison. L’Etat du Togo fait le choix de bousiller la vie de ces hommes et de ces femmes en instaurant des conditions inhumaines dans les lieux de détention.

Quand on scrute les visages le matin, la tristesse et la désolation s’y lisent. Jusqu’à quand se disent plusieurs parmi eux ?

C’est incroyable !!! Et pourtant c’est plus que vrai.

De véritables condamnés à mort. Oui des condamnés à une mort lente, silencieuse mais certaine.

omment des êtres humains, de surcroit des dirigeants dotés de toutes les facultés requises peuvent-ils infliger de tels traitements atroces à leur semblable ? Ceux qui dirigent le Togo ont-ils un grain d’humanité ?

Il est judicieux et juste de faire condamner l’Etat du Togo pour « conditions de détentions inhumaines ».

Ce témoignage doit faire le tour du monde pour qu’aucun détenu dans aucune prison du Togo ne soit plus traité moins qu’une bête de somme alors même que les autorités du pays bombent le torse se faisant le chantre des ‘’ratificateurs’’ des textes et traités en matière de droits de l’homme.

Plus qu’un témoignage, c’est un cri de détresse à l’endroit de tous ceux qui ont en horreur la torture, les traitements cruels, inhumains et dégradants de l’être humain en ce siècle de lumière ou aucun être humain ne peut être traité moins qu’un chien ou tout autre animal.

Plus qu’un témoignage, ceci est un cri de cœur, un plaidoyer, une interpellation de la communauté dite des défenseurs des droits de l’homme ainsi que de la communauté dite internationale grand artisan des textes et traités qui font de l’être humain une entité sacrée et inviolable.

Plus jamais de prisons-camps de concentration sur le territoire togolais.

Témoignage recueilli et transcrit par Fabbi Kouassi