Le sieur Nnolum Ugochukwu et ses 3 enfants | Photos : DR / Liberté / Nouvelles?

Une femme a vu ses enfants enlevés par son mari nigérian. Elle réussit à les retrouver au Nigeria et se fait séquestrer aussi. Ensemble avec sa famille, elle réussit à les ramener. Et bien que nantie d’une ordonnance qui lui confère la garde des enfants, la juge Oukate Tchonanke ose délivrer une autre ordonnance qui aurait permis au Service central de recherches et d’investigations criminelles (SCRIC) de procéder à l’enlèvement des trois enfants alors qu’ils revenaient de l’école. Et depuis, les enfants dorment dans les locaux du SCRIC.

On reproche à des journalistes de ne pas tendre le micro à toutes les parties. Mais quand certains juges donnent l’impression de mépriser le rôle des médias, on peut se demander la portée de la loi portant liberté d’information au Togo.

Hier dans la matinée, nous étions dans le bureau de la juge Oukate Tchonanke, après un coup de fil que nous lui avons passé le lundi 19 juillet. « Vous pouvez venir au tribunal de Lomé ? Venez le mercredi. Au téléphone, je ne peux rien vous dire », nous a-t-elle rassurés.

Comme convenu, nous nous sommes déplacés hier au tribunal pour honorer son invitation. Mais grande fut notre surprise d’entendre la juge nous renvoyer auprès de sa hiérarchie. « J’ai pris une décision qui peut être attaquée si l’autre partie le veut. Je ne peux rien vous dire sans l’accord de ma hiérarchie. Allez au ministère ou allez voir le président de tribunal et s’ils me donnent leur accord, je parlerai », nous a lancé la juge qui pourtant nous avait invités au tribunal.

Depuis le 25 mai 2021, trois enfants, Phoenix, Nicole et Mikel âgés respectivement de 10 ans, 7 ans et 6 ans ont été enlevés par les agents du SCRIC et conduits manu militari dans les locaux de la Gendarmerie nationale sise derrière la Cour d’appel de Lomé. Alors qu’ils revenaient de l’école, en compagnie de leur nourrice et du chauffeur. Depuis, ces deux adultes ont été relaxés. Que reproche-t-on à ces enfants qui n’ont pas pu passer probablement les compositions de fin d’année ?

A en croire des sources au SCRIC, ce serait sur l’initiative ou suite à une plainte du père que cette méthode militaire a été employée. Le sieur Nnolum Ugochukwu est allé voir la juge Oukate Tchonanke et aurait obtenu une ordonnance pour la garde des enfants. Mais les services du SCRIC savent-ils que depuis 2018, une ordonnance n°263/2018 du 2 novembre 2018 a décidé de confier la garde desdits enfants à leur mère ?

Nous avons tenté de joindre en vain le père. Son numéro était inaccessible. Et pourtant, des informations confirment qu’il est régulier au SCRIC. Les mêmes informations font état de ce que la maison qu’habitait la famille à la résidence de la caisse serait squattée par des forces de l’ordre. A quelle fin ?

Pour donner force à l’ordonnance, celle-ci a été assortie d’une formule exécutoire en date du 10 juin 2021, laquelle demande à tout Commandant et Officiers de la Force publique de prêter main forte lorsqu’ils seront sollicités.

Mais si les services du SCRIC donnent l’impression de fouler aux pieds une ordonnance signée du juge Bassah, et de prendre fait et cause pour une autre signée par dame Oukate Tchonanke, il y a alors problème.

Nous avons également appris comment la femme a été interdite de sortie à son arrivée auprès de ses enfants enlevés vers Nigeria, en violation de l’ordonnance du juge, enfants qu’elle n’aurait pas eu le droit de voir, parce que séparés d’elle alors qu’ils vivent dans la même maison.

Ci-dessous copie de l’ordonnance n°263/2018 assortie de formule exécutoire.

Godson K.

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« Au NOM DU PEUPLE TOGOLAIS »

ORDONNANCE DE GARDE D’ENFANTS

Nous, Mewonawovo Kokou BASSAH, juge chargé des affaires matrimoniales, assisté de Maître DOUTI Moussa Bazabik, Greffier audit Tribunal,

Vu la requête en date à Lomé du 03 Octobre 2018 introduite par dame CHAWKI-KAMEL Noëline, épouse NNOLUM Ugochukwu, directrice de société, demeurant et domiciliée à Lomé, aux fins de divorce et de garde d’enfants ;

Attendu qu’à l’appui de sa demande, la requérante expose qu’elle vivait à Lomé ensemble avec son époux, sieur NNOLUM Ugochukwu, d’origine nigériane, et leurs trois enfants âgés respectivement de 02, 04 et 07 ans ; que contre toute attente, le 15 septembre 2018, prétextant se rendre chez le coiffeur, son mari a quitté le domicile conjugal puis le territoire national à son insu en amenant les enfants avec lui ainsi que leur femme de ménage et sa voiture de marque BMW, modèle X5, immatriculée TG0300 AV ; que depuis lors, elle est restée sans nouvelles aussi bien de son mari que de ses enfants ; que c’est pourquoi elle sollicite que la garde juridique de ses trois enfants lui soit confiée et que ceux-ci lui soient ramenés en attendant le prononcé du divorce entre son mari et elle pour sévisses, injures et abandon de foyer;

Attendu qu’aux termes de l’article 151 du code des personnes et de la famille, « les enfants seront confiés à la femme jusqu’à l’âge de sept ans à moins que le tribunal, sur la demande du mari, ou à défaut, du conseil de famille ou du ministère public et au vu des conclusions d’une enquête sociale, n’ordonne dans l’intérêt des enfants que tous ou quelques-uns d’entre eux seront confiés aux soins soit du mari soit d’une tierce personne. Lorsque les enfants seront âgés de plus de sept (07) ans, le tribunal ordonnera, en fonction de leur intérêt, que tous ou quelques-uns d’entre eux, soient confiés à la garde soit du père, soit de la mère, soit d’une tierce personne. » ;

Attendu qu’il est versé au dossier de la cause un procès-verbal de constat d’huissier en date à Lomé du 17 septembre 2018 duquel il ressort l’évidence de l’abandon de foyer allégué par la requérante ;

Attendu que le comportement du père des enfants, sieur NNOLUM Ugochukwu qui, sans en informer son épouse, abandonne le domicile conjugal en amenant avec lui leurs trois enfants qui ont le plus grand besoin de l’assistance, soins et protection de leur mère au regard surtout de leur jeune âge, est constitutive d’insécurité pour les enfants ;

Que cette attitude n’est manifestement pas celle d’un père qui se préoccupe de la sécurité, de l’éducation et du bonheur de leurs enfants sinon il ne prendrait sous aucun prétexte le risque de les priver de l’amour et de l’affection de leur mère ;

Attendu qu’eu égard à ces considérations et dans l’intérêt supérieur des enfants, il convient de confier leur garde à leur mère et d’ordonner au père de les lui ramener ;

Attendu qu’il importe toutefois d’aménager pour le père un large droit de visite et d’hébergement tout en indiquant qu’il ne peut sortir du territoire national avec les enfants sans l’aval de leur mère ;

Attendu par ailleurs que la requérante affirme que son mari a également emporté son véhicule automobile qu’il lui avait offert et qu’elle utilisait;

Attendu en droit que lorsqu’une libéralité est acceptée par le bénéficiaire, elle devient irrévocable et ne peut être repris sous aucun prétexte par le donateur ;

Qu’il convient d’ordonner également au mari de retourner la voiture à son épouse qui en est définitivement propriétaire quoique le nom de celui-ci figure sur les pièces afférentes audit véhicule ;

Attendu que l’urgence que requièrent les circonstances de la cause commande d’assortir notre ordonnance de l’exécution provisoire sur minute et avant enregistrement ;

PAR CES MOTIFS :

Statuant en cabinet, après audition de la requérante, en matière d’état des personnes et en premier ressort ;

Vu les dispositions de l’article 151 du code des personnes et de la famille;

Confions à la mère la garde des trois enfants du couple NNOLUM Ugochukwu et CHAWKI-KAMEL Noëline, à savoir NNOLUM Phoenix, né le 15 février 2011,NNOLUM Nicole, née le 29 septembre 2013 et NNOLUM Mikel, né le 27 août 2015 ;

Ordonne au père de ramener les enfants à leur mère ;

Accordons néanmoins au père un large droit de visite et d’hébergement et précisons que toutefois il ne pourra sortir du territoire national avec les enfants qu’avec l’accord exprès de son épouse ;

Enjoignons en outre sieur NNOLUM Ugochukwu de retourner à son épouse sa voiture de marque BMW, modèle X5, immatriculée TG0300 AV ;

Autorisons d’ores et déjà dame CHAWKI-KAMEL Noëline à se faire assister de la force publique en cas de besoin pour l’exécution des mesures ordonnées;

Disons la présente ordonnance exécutoire avant enregistrement nonobstant toutes voies de recours et sans caution.

Fait en notre Cabinet,

A Lomé, le 02 novembre 2018
M. Kokou BASSAH
FORMULE EXECUTOIRE

En conséquence, la République Togolaise mande et ordonne à tous huissiers ou agents légalement habilités sur ce requis de mettre la présente ordonnance de garde d’enfants à exécution.

Au Procureur Général près la Cour d’Appel de Lomé et au Procureur de la République près le Tribunal de Première Instance de Première Classe de Lomé (Togo), d’y tenir la main.

A tous Commandant et Officiers de la Force Publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

En foi de quoi, la présente ordonnance N°263/2018 du 02 novembre 2018 est revêtue de la formule exécutoire par Nous, Me KOUBOU Evélewa, le Greffier en Chef Près le Tribunal de Première Instance de Première Classe de Lomé et délivrée pour première grosse à Madame CHAWKI-KAMEL Noëline, épouse NNOLUM Ugochukwu, demeurant et domicilié à Lomé, sur sa demande.

Lomé, le 10 juin 2021
LE GREFFIER EN CHEF
Me KOUBOU Evélewa
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Source : Liberté N°3430 du Jeudi 22 Juillet 2021