Agbéyomé Messan Kodjo | Photo : DR

Le Dr Gabriel Agbéyomé Kodjo a été arrêté il y a trois jours, à son domicile, avec une sauvagerie inouïe orchestrée par des dizaines de corps habillés, et détenu à la gendarmerie. La dictature togolaise lui reproche, entre autres crimes, de s’être proclamé vainqueur de l’élection présidentielle de février passé, d’avoir nommé des ministres…

Je n’ai, depuis mardi, écrit un seul mot sur cette arrestation. Pas parce qu’elle ne me touche pas. Au contraire. Agbéyomé, il est vrai, et je ne l’ai jamais caché, ne fait pas partie des hommes politiques togolais que je porte dans mon cœur. Mais durant ce processus électoral, il a fait preuve d’une force et d’une détermination qui ne peuvent que forcer l’admiration.

Des hérauts et larbins de la dictature nous avaient juré qu’au soir du 22 février il appellerait Faure Gnassingbé pour le féliciter de sa victoire, avant de commencer à négocier des postes au gouvernement… Agbéyomé a déjoué les fausses prophéties de ces calomniateurs et a tenu ferme sur sa position, revendiquant sa victoire même entre les dents de la dictature.

Mais depuis mardi, chaque fois que je décide d’écrire un mot sur le sujet, me vient une question qui m’éloigne de mon clavier: Que dirai-je et que je n’ai pas encore dit ?

La dictature togolaise, même avec tout l’arsenal de guerre de l’univers, n’aurait pas pu arrêter celui qui est devenu son cauchemar si tous les Togolais qui crient alternance parlaient d’une seule voix. Aucune force militaire n’aurait pu arrêter Agbéyomé en sachant qu’elle aura contre elle l’écrasante majorité de Togolais qui rêvent de la fin de cette dictature.

Mais tout semble avoir été écrit contre nous, scellé d’un cachet de malédiction. Quand on ouvre les pages internet, on ne voit que des attaques puériles, des injures fratricides, des calomnies entre combattants du même camp, le camp de ceux qui se proclament adeptes de l’alternance. Alternance : absolument ! Le mot est crié par toutes les bouches. Mais sûrement que dans toutes les têtes il prend un autre sens.

Dans le même camp de cette alternance, on se hait, s’insulte, se calomnie, et jamais on ne s’autorise même une petite trêve pour affronter l’adversaire commun au moment où il nous assène les coups les plus durs. Au moment où l’armada militaire défonçait le portail de sa proie, menottait femmes, filles et enfants, violentait un patriarche de 90 ans qui ne doit plus rien à un pays auquel il a consacré toute sa vie, les attaques entre les partisans d’Agbéyomé et de l’ANC battaient leur plein sur internet, à la joie jouissive des porteurs de valises de la dictature. Et c’est cela notre lutte.

Celui que nous avons élu dort dans les geôles de l’oppresseur, mais sur Facebook et Whatsapp nous nous insultons. Et nous continuons d’avoir l’indécence d’appeler cette énorme puérilité lutte pour l’alternance ! Quelle bande de vieux plaisantins nous sommes !

David Kpelly
[ 23 Avril 2020 ]

David Kpelly