Kouéssan Yovodévi
Kouéssan Yovodévi | Photo : RoT

Pour tirer, peut-être, quelques bénéfices du communicant de la présidence que tu es devenu, cher ami Kouéssan Yovodévi, il me paraît utile de relayer un message par ton biais. Parce que tu es un ami, naguère, un compagnon d’infortune, je serai simple et courtois, dans le but de donner des chances à ces mots d’atteindre leur cible. Parce que nous sommes liés, Joseph, je ne monterai pas sur mes grands chevaux, je ne ferai pas non plus la moue. La démarche nous concerne tous. Elle est vitale, opportune. Pour notre peuple. Tu peux servir, en ce sens qu’un communicant, au-delà du faiseur d’opinion, est un éminent influenceur. Tu ne feras pas de miracles. On le sait. Parce que tu es Joseph, pas Jésus. Mais au cas où tu ne serais pas en mesure de faire aboutir ce message-ci, d’influencer, il serait plus séant, Kouéssan, de renoncer au clan pour la terre fertile d’Anfoin. Elle ne trompe pas. Je suis convaincu, tu l’es aussi, qu’il y a des décisions vigoureuses à prendre si l’on veut que le compteur quitte zéro, enfin. Pour que ça avance, dans le sens de soulager les plus faibles après tant d’années de piétinement et de souffrances. L’objectif, c’est de faire entendre raison, à travers toi, l’ami Joseph, en faveur de notre société qui vit ensemble séparée, qui gémit, qui meurt. C’est un devoir!

Par Kodjo Epou

Si les Togolais arrivent à s’entendre sur la mise en oeuvre de réformes puissantes et ciblées, notre nation peut se relancer rapidement car, elle est énergique et talentueuse. Rien ne pourra l’arrêter; mais il faudra préalablement, pour que cela soit, que tous les acteurs, les Gnassingbé en premier, changent leur manière de faire la politique en ayant, chacun, pour unique leitmotiv: « le Togo d’abord, Moi après! ». Aujourd’hui que voyons-nous? Une société qui vit ensemble séparée, une classe dirigeante repliée sur elle-même et sur ses privilèges, les privilèges du pouvoir et de l’argent, l’argent qui corrompt, appauvrit et qui tue. Paradoxale! Ce qui frappe immédiatement quiconque regarde bien en face l’état du Togo, c’est l’ampleur de la crise de confiance, ce qui implique que les citoyens ordinaires n’ont plus foi en la parole des officiels. Il faut un nouveau projet qui change cela. Pour ces officiels, la tâche à entreprendre en urgence, c’est de travailler désormais pour l’immense masse, pour le plus grand nombre et d’abord pour les plus faibles et les plus pauvres. Aussi faudra t-il, pour le retour de la confiance perdue, mettre impérativement fin aux juridictions d’exception c’est-à-dire cette justice des tribunaux inventés, presque à la tête du client, à la disposition beaucoup plus du pouvoir exécutif, du chef d’en haut, échappant aux règles fondamentales fixées par nos propres lois et nos propres traditions.

Ne nous trompons pas: ces conquêtes-là ne se font pas en un jour, mais il faut commencer à les mettre en route. C’est là que le Togo faillit, si l’on sait qu’il n’y a pas que les lois à appliquer; il y a les mœurs, les coutumes, les usages et les habitudes à orienter. Un peuple comme le nôtre façonné par toutes les péripéties de son histoire mouvementée, parfois douloureuse, ne saurait être manié au gré des circonstances, moins encore au gré des caprices ou envies d’un petit groupe. Seule une action en profondeur peut permettre d’infléchir une direction donnée ou bien de corriger le paysage ou le visage que nous entendons présenter aux autres. Il nous faut aller à la conquête d’un pouvoir réellement partagé . Ne pensons-nous pas que le Togo se sentirait beaucoup mieux si ses enfants constatent que désormais le pouvoir n’est pas la propriété d’un petit groupe social, socio-professionnel, d’une caste de privilégiés? Que c’est l’affaire de tous, parce que c’est le peuple qui est responsable de son destin et qui doit indiquer la destination dans laquelle il veut être conduit?

Il y a partout dans notre pays d’incroyables ressources de résilience et d’innovation, il y a partout des hommes et des femmes qui créent et qui entreprennent, il y a partout des citoyens qui s’engagent, se battent pour survivre. Le Togo n’est pas sans intelligences. C’est à cette multitude invisible, à ces millions d’hommes et de femmes providentiels, que le pouvoir doit redonner la parole et reconnaître le capacité d’agir. Penser le contraire est un leurre, c’est faire le lit du statu quo qui bloque la société et éteint les énergies. Avec ça, le Togo n’ira nulle part, aucune émergence ne sera réalisable. En clair, une société ouverte et solidaire, un pouvoir partagé sous le contrôle d’une justice juste, des lois rigoureuses, impersonnelles, c’est cela la locomotive qui fait avancer l’économie, c’est cela qui rend un pays fréquentable.

On aura, en faisant toutes ces choses, réussi à moderniser le Togo pour rendre ses agrégats compétitifs et alléchants. Oui, moderniser le Togo, ses institutions, son éducation, sa santé, son climat politique et, véritablement, son climat des affaires. Moderniser, en somme, c’est épouser l’allure de notre époque: c’est une conquête constante que seule une volonté politique immuable peut rendre possible. Alors, il faut commencer à ouvrir, ouvrir le pays d’abord aux citoyens, un peu d’air, partager les pouvoirs – pouvoir, contrepouvoir – parce que notre société est bloquée. Il lui faut de part et d’autre une promesse de paix, une promesse de liberté et de développement. Tout cela n’est possible que si nous avons la capacité de regarder autour de nous, de nous comparer aux autres pays voisins, sur tous les plans, économique, social et politique. Ne sommes-nous pas à la traîne?

Lorsqu’on fait le schéma de la situation de notre pays, on se retrouve comme dans un labyrinthe. Mais il y a dans tout labyrinthe un moyen d’en sortir qui s’appelle le fil d’Ariane. Ce fil, c’est la loi, c’est la démocratie, c’est la constitution, dans ce qu’il a de bon et de durable. Ce fil est une ligne directrice. Il ne perd pas, il rassure, met en confiance et protège. Enfin, l’humilité nous ordonne de nous rassembler, de nous unir en dépit de nos différences idéologiques. Elle nous permet de garder la mesure en toute chose et de savoir qu’ensemble nous sommes le Togo et que le Togo durera bien longtemps après nous. Mais depuis un moment, notre pays est en conflit avec une partie de lui-même. Ses enfants vivent ensemble mais ne forment pas une nation. C’est à cent lieues de mon esprit d’imaginer une seconde qu’un président, après l’abrupte Eyadéma, pourrait assurer les charges de la nation togolaise sans chercher à rassembler, à réunir, à réconcilier. A propos qu’a-t-il fait, Faure Gnassingbé, de l’accord UNIR-UFC? Le symbole de la rapacité « Nous On Prend Tout » a tout effacé de cette alliance aussi. Triste, terrifiant! Plus aucune trace des partisans d’Olympio dans l’équipe gouvernementale! Quel échec!

Après tous ces échecs retentissants, pourquoi le pouvoir rechigne t-il à prendre l’initiative d’une assise nationale historique, inclusive, pour réfléchir sur comment ouvrir la société togolaise sur des valeurs positives et trouver, par la même occasion, une issue aux nombreux différends qui ébranlent et malmènent notre communauté de destin et d’intérêt? Aux fins d’affronter tous ces défis dont l’immensité, chez nous, se mesure à l’aune du demi siècle de dégâts, il faut un président de la république et non un président de parti, moins encore un chef ethnique ou de clan.

Ceci est ma contribution, une ébauche de consultation – elle est gratuite – visant à délibérer sur les voies et moyens de secourir un peuple malade de ses propres enfants. Parole de fou ou d’un Pasteur normal qui prêche dans une église vidés par les paroissiens meme les plus fidèles?

Kodjo Epou
Washington DC
USA

antoine kodjo epou
Kodjo A. Épou | Photo : Courtoisie K.E.