Infog : 27avril.com

La publication des images et vidéo du journaliste Dominique Aliziou avait-elle pour intention de faire du mal, ou de susciter l’émotion et une prise de conscience ? Le ou les auteurs de la publication seraient tombés sous le coup de la loi. C’est à croire que, plus que les images du journaliste, c’est l’approximation dans la gestion de l’épidémie avec le passoir qu’est devenu le Togo qu’on tente de cacher derrière cette réaction. Parce que contrairement aux discours, l’Etat togolais a manqué de prendre la mesure du danger en laisser ouvert les voies d’entrée, sans mesures préventives.

Le 28 mars dernier, Moustafa Mijiyawa, ministre de la Santé et de l’Hygiène publique s’est fendu d’un communiqué. «…Il s’agit de Dominique Aliziou, journaliste de son état, âgé de 49 ans, qui a été admis le 22 mars 2020 après un récent séjour de deux semaines en Belgique. Décès survenu le 27 mars 2020 au soir au centre de prise en charge dédié au CHR-Lomé Commune. Le gouvernement présente ses sincères condoléances ainsi que sa profonde compassion à la famille éplorée et à tous les professionnels de médias. Malheureusement, des images choquantes du malade agonisant sous soins médicaux ont été diffusées sur les réseaux sociaux par des personnes indélicates pour émouvoir l’opinion publique. Ce comportement immoral constitue une violation flagrante des dispositions pénales relatives à l’intimité de la personne qu’il convient de poursuivre et de punir. En conséquence, le ministère de la justice prend d’ores et déjà toutes les dispositions pour la mise en mouvement de l’action publique pour situer les responsabilités en vue de la sanction de tous les auteurs et complices de ces faits délictueux ».

Mais avant ce communiqué, il y a l’audio d’un des enfants du disparu qui a ému aux larmes. Tout en sanglotant, le jeune a eu le courage pour décrire le mal dont souffrait son père. Jusqu’à l’instant fatidique.

Dominique Aliziou a réveillé un peuple encore incrédule

Lorsque j’ai appris la mauvaise nouvelle et vu les images et la vidéo, je suis retourné voir ma femme et ma fille pour leur répéter encore que le mal vient d’entrer dans la corporation des journalistes. Et ma femme et tout son entourage réalisaient que c’est de plus en plus proche. L’humain étant têtu par essence, il a fallu ces images pour que le déclic se fasse. Comme chez nombre de Togolais qui étaient toujours incrédules face aux ravages du coronavirus19. Tout simplement parce qu’aucun de leurs proches n’était encore tombé raide mort, frappé par l’ennemi invisible.

Parce qu’il suscitait indignation ou admiration selon le bord politique de l’auditeur, parce qu’il était connu sans être connu, les images et vidéo de Dominique Aliziou demeureront dans la mémoire collective. Le temps apaisera peut-être les coeurs. Mais dans des foyers, viendra le temps où certains avoueront que par Dominique Aliziou, ils avaient vraiment pris conscience du mal qui tue. Et la voix de son fils aussi accompagnera d’autres qui ont été émus. Mais le code pénal ne reconnait malheureusement pas l’émotion dans aucun de ses articles.

Des poursuites judiciaires contre « des images pour émouvoir l’opinion publique »

Quand le ministre parle de mettre en branle l’action publique, il fait référence à l’Article 368 du code pénal. Ainsi, « Constitue une violation de l’intimité d’une personne, le fait : 1) de publier ou de diffuser des papiers ou enregistrements privés, un dessin, une photographie, un film ou tout autre support reproduisant l’image de cette personne sans son accord ou celui de ses ayants droit ; 2) d’organiser, par quelque procédé que ce soit, l’interception, l’écoute ou l’enregistrement de communications privées, orales, optiques, magnétiques ou autres échanges reçus dans un lieu privé, à l’insu ou sans l’accord des personnes en communication ou du maître des lieux ». Rien n’est dit sur l’objectif poursuivi par la personne qui serait sous le coup de la loi en agissant ainsi. Or, Mijiyawa lui-même semble reconnaître que dans le cas en question, le but était « d’émouvoir » ; pas d’indigner ni de révolter.

Emouvoir, c’est toucher quelqu’un ou un groupe en éveillant un intérêt puissant, une sympathie profonde. La mort de Dominique, images et vidéos à l’appui a effectivement ému l’opinion publique. Mais ce sera puni par la loi. Finalement, le ministre aura réussi à déplacer les problèmes.

De la désaffection des centres hospitaliers, il n’en est point question dans son communiqué. Du passoir que sont devenues les frontières du pays devant ce mal, rien n’a été relvé. De la longévité du ministre au poste cumulatif de Directeur général de l’Ecole Nationale des Auxiliaires médicaux (ENAM), on n’en parle pas. Moi aussi je suis passé dans cette école de 1993 à 1996. Et déjà, Mijiyawa était en poste. Jusqu’à présent, bien qu’il ait été nommé ministre, il continue à occuper l’autre siège.

Des images qui suscitent l’indignation et pourraient mettre à mal la sécurité d’un pays, on s’accorde à les condamner sans réserve. Mais Dominique Aliziou demeurera dans les téléphones des citoyens comme une mise en garde face au coronavirus19. Tout comme la voix de son fils. Mais si la justice veut punir le ou les auteurs desdites images, personne ne s’opposera. Puisqu’elle semble rendue « au nom du peuple ».

Mais qui oserait porter plainte contre le gouvernement pour « laxisme avéré » dans la gestion de la pandémie au coronavirus ? Pendant que d’autres pays fermaient leurs espaces aériens, celui du Togo ressemblait au slogan de l’opérateur de téléphonie mobile, « no limit ». Grandement ouvert, sans limites. Et surtout, sans mesures de confinement. Pour les deux semaines de liberté dont a joui le désormais feu Dominique Aliziou, on a estimé à quelque 150 le nombre de contacts. Sans s’étaler sur…les contacts de ses contacts ! Ce seul début de « généalogie » pour répéter une fois encore que l’exterminateur invisible est bien là. Sans arme de destruction massive visible, mais sous forme d’objet volant non idendifié (OVNI) à l’oeil nu.

Alors, REVEILLEZ VOUS !

Godson K.