John Jerry Rawlings | Photo : DR

« Nous sommes un peuple errant sans père ni repère. » Cette phrase de Frédéric Gakpara, humoriste et homme de culture togolais, peut paraître, à la première lecture, excessive. Mais on ne saurait trouver de mots plus justes pour décrire la situation actuelle du peuple togolais.

Le 22 juin passé, une avalanche de messages de vœux inonde la toile togolaise. Des messages aussi énamourés les uns que les autres. Les Togolais souhaitaient un joyeux anniversaire à J. J. Rawlings, ancien président du Ghana.

Quel est donc cet homme politique d’un pays étranger que les Togolais portent si profondément dans leur cœur, au point d’accorder autant d’importance à sa date anniversaire ?

La réponse, on peut la lire durant la journée du 12 novembre 2020, quand, cinq mois après les joyeux messages de vœux, le même peuple togolais fond en larmes devant l’annonce de la mort du beau capitaine. Le Togo a perdu beaucoup de ses hommes politiques de très haute importance durant cette année, mais aucun d’eux ne peut prétendre avoir eu la centième des hommages rendus par les Togolais à Rawlings.

La vérité est simple. L’écrasante majorité du peuple togolais éprise de liberté a adopté J. J Rawlings comme son héros. On ne vit guère une situation pareille à celle que vivent les Togolais depuis plus de cinquante ans sans s’accrocher à un rêve, un idéal. C’est pourquoi quand, telle l’aiguille d’une montre rouillée, l’espoir s’est bloqué dans leur cœur en 1963, ils se sont mis à chercher sinon un libérateur, du moins un symbole pour leur combat.

Ils l’ont trouvé à l’Ouest, au Ghana, dans le héros de l’une des très rares histoires de réussite qu’a pu écrire notre continent après les indépendances.

Le natif de la Volta Region a tout pour être le symbole parfait. Beau, courageux, pragmatique. Et, par-delà tout, il portait en lui une part du Togo. Ewé par sa mère, il parlait couramment cette langue parlée au sud du Togo. Dans tous les cœurs, de toutes les âmes, on le sollicite pour qu’il contribue à la libération de ce peuple où on parle la même langue que lui, ses frères. Qu’il aide à exorciser le Togo comme il l’a fait au Ghana.

Comme un mantra, on invoque son nom chaque fois qu’on se met sur les routes de la liberté. « J. J. est-il toujours de notre côté ? » demande-t-on. Il a toujours été là. Refuge sûr pour ceux que la mort traquait au Togo pour leur quête de liberté.

Hier, la belle histoire s’est arrêtée. On aimait tellement Rawlings qu’on avait fini par oublier que c’était contre le pacte de la mort qu’il avait signé celui de la vie. Les Togolais sont effondrés d’avoir perdu ce chef d’Etat étranger qui a ouvertement accepté, dans notre mare aux diables de potentats corrompus, nuisibles et liberticide, d’accompagner leur rêve de liberté et de dignité après la mort de Sylvanus Olympio. Car Ils sont redevenus ce qu’ils étaient le 13 Janvier 1963 : un peuple errant sans père ni repère.

David Kpelly

David Kpelly