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Le Syndicat de l’enseignement supérieur du Togo (SEST) est catégorique. La formule actuelle mise en place pour la poursuite des activités pédagogiques n’est pas efficace. Il l’a fait savoir dans une lettre adressée au ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Scientifique. Le syndicat propose une réouverture des universités publiques avec une reprogrammation des cours et des évaluations.

Dans un communiqué rendu public le 12 juin 2020, le président de l’Université de Lomé, Prof. Dodji Kokoroko a précisé les contours de la dispensation des cours en ligne. « Face à la crise sanitaire liée à la pandémie due à la Covid-19, l’Université de Lomé a pris des dispositions pour assurer la continuité des activités pédagogiques en adoptant les cours en ligne dans les parcours du grade de Licence et ce depuis le 18 mai 2020 », rappelle le communiqué qui précise : « Afin de mieux encadrer le semestre mousson dans les conditions actuelles, les enseignements et évaluations du semestre mousson sont programmés comme suit : les enseignements à distance courent du 25 mai au 10 août 2020, les évaluations débuteront le 17 août 2020 suivant les modalités qui seront précisées ultérieurement ».

Après quelques semaines de pratiques, les enseignants membres du Syndicat de l’enseignement supérieur du Togo (SEST) fait des remarques. Dans une lettre adressée au ministre en charge de l’Enseignement supérieur, le syndicat souligne que la continuité des activités pédagogiques telle qu’assurée actuellement dans les universités publiques du Togo ne saurait être considérée comme des cours en ligne ou un mode de formation à distance. Cette observation, selon le syndicat, se fonde sur quelques défis intrinsèques évidents qui semblent n’avoir pas été suffisamment pris en compte par les premiers responsables de l’enseignement supérieur. Ces défis que les enseignants présentent comme un miroir d’indicateurs clefs d’une formation à distance de qualité sont la mise en place de plateformes numériques institutionnelles sécurisées dédiées à la formation à distance, la préparation des enseignants et étudiants à la mise en œuvre des cours et évaluations à distance, l’implémentation d’un modèle d’enseignement universitaire à distance qui prend en compte les spécificités des différents types de formation universitaire, l’accès à Internet aussi bien par le corps enseignant que par les étudiants (coût de la connexion, matériels informatiques adéquats, compétences personnelles dans l’utilisation des TIC…), l’adhésion et l’assiduité des acteurs, enseignants comme étudiants aux dispositifs de cours et d’évaluation à distance, ainsi que l’animation à distance des contenus par les enseignants et la gestion en temps réel de la communication avec les étudiants.

Pour le syndicat, « les nouvelles modalités d’enseignement telles que mises en œuvre actuellement dans les UPT présentent les caractères d’un « soutien scolaire à travers les réseaux sociaux » plus que tout autre chose, et soulèvent davantage la problématique du dispositif d’évaluation qui doit être aligné sur le dispositif d’enseignement c’est-à-dire en ligne ».

Dans la même lettre, le SEST rapporte que sur la base des témoignages des enseignants, tous les étudiants ne sont pas intégrés aux dans les plateformes destinées aux enseignements. Ils seraient entre 50 à 70 % des étudiants inscrits dans une unité d’enseignement à la DAAS à s’être enregistrés dans les groupes WhatsApp et Telegram correspondant. « C’est en moyenne 0,01 à 8 % d’entre eux qui sont effectivement en ligne durant les échanges avec les enseignants. Sur ce taux insignifiant, c’est environ 2 à 3% de ceux qui sont en ligne qui participent et interagissent avec l’enseignant durant les séances d’animation pédagogique », révèlent les enseignants.

Le syndicat déduit que le mécanisme mis en place par les autorités universitaires n’est pas efficient par rapport aux moyens technologiques disponibles. Il estime qu’il serait très hasardeux, dans le contexte actuel, de considérer les cours comme faits, et prétendre sur cette base organiser une quelconque évaluation. « Ce sera une manière de sacrifier non seulement l’enseignement supérieur, mais bien au-delà, une grande frange d’étudiants régulièrement inscrits, avec pour ultime finalité d’obtenir un diplôme qui dénotera d’une véritable qualification en la matière », avertit le syndicat. « Le SEST souligne que l’éducation est un droit constitutionnel ; dès lors il serait très scandaleux d’occulter la mission d’utilité publique d’une éducation de qualité et la crise sanitaire ne saurait constituer d’aucune manière un prétexte et une excuse pour nous désengager de nos diverses responsabilités afin de garantir ce droit aux étudiants en mettant en place un dispositif à caractère exclusif », martèle-t-il.

Pour corriger les choses, les enseignants appellent à l’adoption d’une nouvelle stratégie de gestion de la crise dans une synergie d’actions. Ils proposent, entre autres, de considérer comme sans effet, tout ce qui a été fait dans le cadre des fameux cours en ligne ; « envisager en urgence la réouverture des Universités publiques du Togo dans le respect scrupuleux des mesures barrières à la covid-19; reprendre les activités en cours à la survenance de la fermeture des universités avec une programmation des examens du semestre harmattan en petits groupes, école après école puis faculté après faculté ; reprogrammer les cours du semestre mousson en petits groupes rotatifs pouvant respecter les mesures de distanciation suivant un chronogramme bien défini afin de rattraper l’année ; et engager en urgence des compétences et moyens indispensables pour la mise en place à très court terme d’un dispositif complet et adéquat de formation à distance qui viendra compléter et renforcer le dispositif de formation en présentiel ».

En appelant à davantage de collaboration dans la mise en œuvre de stratégies concertées et coordonnées, le SEST souligne que la crise sanitaire liée à la Covid-19 a eu le mérite de confronter le pays aux faiblesses structurelles et handicaps du système de formation universitaire et de mettre à rude épreuve l’ensemble des mécanismes de recherche scientifique. Pour le syndicat, cette crise semble ainsi inviter l’ensemble des acteurs à engager avec courage des réformes ambitieuses et inclusives pour une transformation profonde du cadre de l’enseignement et de la recherche dans les universités publiques du Togo.

Géraud A.

Source : Liberté