Manif de la diaspora togolaise au Royaume Uni, 19 janvier 2019 | Photo : DR

Le président algérien Bouteflika cède aux revendications de la rue. Vive la rue qui sait se mobiliser !

Trois vendredis de mobilisation massive de millions d’Algériens ont fait plier ce régime sclérosé au pouvoir depuis vingt ans. Une mobilisation menée par le peuple lui-même, sans leaders politiques de l’opposition. Un peuple divers qui scandait « Non au cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika » ou « Le peuple ne veut ni de Bouteflika, ni de Saïd ». Des jeunes, des moins jeunes, des hommes, des femmes et des personnes âgées, des étudiants, des avocats et des syndicats, tous décidés à faire dégager ce régime, manifestent sans violence, avec pour horizon le changement de système de gouvernance, une Algérie libre et démocratique.

Ce soir, la rue a fait plier le régime sans casse, on peut dire. Mais le changement, le vrai changement est loin d’être acquis. Il y a peut-être dans cette annonce de Bouteflika une manœuvre de diversion, manœuvre dans laquelle le pouvoir à Alger chercherait à gagner du temps. Face à cette mobilisation massive des Algériens, le système machiavélique algérien, surpris, pris de court et sans plan B, préfère gagner du temps, afin de manœuvrer en coulisse pour trouver un homme du clan à placer lors des élections à venir et dont on ne sait pas à quelle date elles auront lieu. Ce report sine die des élections conduit à cette situation insupportable que Bouteflika reste de fait encore au pouvoir. Vingt ans de pouvoir sans partage, avec un clan aussi sourd que jouisseur des richesses du pays, c’est tout ce système que le peuple algérien debout veut dégager. Ce n’est pas la nomination du Ministre de l’intérieur Bedoui, un homme du clan, en lieu et place du Premier ministre Ouyahia qui trompera le peuple.

Ce qui se passe ce soir, lundi 11 mars 2019, doit faire réfléchir le peuple togolais. Certes, le peuple algérien n’est pas le peuple togolais. Mais les ingrédients de la situation politique dans les deux pays sont à peu près semblables. Un pays miné par la corruption et le chômage. Une jeunesse à l’avenir hypothéqué par une déprédation sans limite. Des régimes qui n’ont jamais su faire rêver leur jeunesse. Que ce soit en Algérie ou au Togo, le soutien de l’armée à cette politique ruineuse permet de maintenir un semblant de stabilité. Mais dans les faits, c’est la faillite à tous les étages. Les fruits du pétrole et du gaz en Algérie, les bénéfices de l’exploitation du phosphate, les maigres ressources provenant des exportations du café, du cacao et de coton, pour ce qui concerne le Togo, ne profitent qu’à une minorité, c’est-à-dire ceux qui ont mis le pays en coupe réglée depuis des décennies.

Le peuple togolais doit prendre exemple sur cette mobilisation du peuple algérien qui a su puiser en lui-même et l’énergie et la force et le courage pour descendre dans la rue. Une mobilisation inédite, qui est montée en crescendo pour faire reculer le pouvoir. Un peuple en colère qui a su apprendre de son passé, de ses échecs. Bref, un peuple algérien qui semble avoir mûri. Un peuple averti qui sait ouvrir les yeux, réfléchir et se mettre en mouvement. On verra dans les jours qui viennent si la mobilisation reste intacte pour pouvoir déjouer les coups tordus d’un régime d’un autre temps.

Peuple togolais, tu n’as pas besoin de leaders pour te mobiliser. La force est entre tes mains. Si tu penses que la servitude volontaire à laquelle tu t’es soumis depuis plus d’un demi-siècle ne peut plus continuer, il t’appartient de suivre ce premier pas du peuple algérien pour arracher ta liberté.

Il n’y a de victoire que dans le peuple qui sait s’arracher des griffes de la dictature. À toi, vaillant peuple togolais de refuser la transmission du pouvoir héréditaire.

Ambroise Teko