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Brigitte Adjamagbo Johnson au temps fort de la C-14 | Photo: DR

«…Aller en rangs dispersés dans ce climat de haine et de méfiance, comme c’est le cas aujourd’hui, ne risque-t-il pas d’avoir des conséquences encore plus désastreuses pour ce qui reste de l’opposition dans le futur parlement?»

Voilà la question par laquelle nous terminions notre propos de la semaine dernière pour exprimer notre réserve par rapport à une éventuelle participation d’une opposition divisée aux prochaines élections législatives. La coordinatrice de la nouvelle Dynamique portée sur les fonts baptismaux le 10 avril dernier semble avoir entendu notre appel qui est également celui de tous les Togolais épris de liberté. En effet, Madame Brigitte Adjamago, premier responsable de la Dynamique pour la Majorité du peuple (DMP), interrogée sur une radio de la place, semble avoir compris que pour des élections vraiment transparentes et démocratiques, il reste beaucoup de chemin à faire concernant le caractère démocratique des institutions impliquées dans l’organisation desdites élections. Hier la DMK. Aujourd’hui la DMP. Comment en est-on arrivé là?

La Dynamique Monseigneur Kpodzro (DMK), avec ses revendications peu réalistes, voire utopiques, relatives à la récupération de la victoire volée en février 2020 à Agbéyomé Kodjo, devenait insupportable pour la coordinatrice de l’organisation politique mise sur pied par justement Monseigneur Kpodzro à la veille du scrutin présidentiel de 2020. Reconnaissons que l’euphorie du début s’étant émoussée, ajouté au caractère peu réaliste des revendications, la lassitude avait fini par gagner les uns et les autres. Madame Adjamago et presque tous ceux qui composaient l’organisation politique attendaient une occasion pour se libérer de la DMK et surtout de ce qui ressemble un peu au fait d’être pris en otage par le prélat en exil.

Aujourd’hui nous voici devant le fait accompli. Presque tous les anciens membres de la DMK ont quitté le bateau avec armes et bagages pour créer une autre organisation politique, la Dynamique pour la Majorité du Peuple (DMP), en vue de participer aux prochaines élections législatives annoncées par le pouvoir de Faure Gnassingbé. Y a-t-il eu concertation avec le prélat avant la prise d’une telle décision de quitter son organisation qu’est la DMK? Dans l’interview samedi dernier, Madame Adjamago, qui est également la nouvelle coordinatrice de la DMP, n’avait pas pu clairement répondre à cette question, et n’avait fait que regretter le fait que Monseigneur Kpodzro ait publiquement donné son point de vue sur une éventuelle participation aux élections, plutôt qu’à l’interne. Alors il est inutile de dire que la méthode utilisée par Madame Brigitte Adjamago et ses amis, pour tourner le dos au prélat, est brutale et peu respecteuse de son autorité.

Maintenant le vin est tiré, il faut le boire. Nous sommes en politique, surtout dans un pays où la démocratie ne l’est que de nom. Aujourd’hui, à l’état actuel des choses, personne n’a la baguette magique au sein de l’opposition togolaise pour faire partir le pouvoir oppresseur. Ceux qui s’opposent à une participation aux élections ont leurs arguments que nous respectons, mais pas plus. Cette première catégorie d’opposants ne dit pas ce qu’il faut alors faire si on ne va pas aux élections. S’ils parlent d’une révolution, elle ne se fait pas du jour au lendemain; il faut l’organiser; et pour cela il faudrait que les plus grandes formations politiques de l’opposition soient d’accord pour se mettre ensemble. On en est encore loin. Pour les participationnistes aux prochaines élections législatives, comme c’est le cas de la DMP et probablement de l’ANC, ce serait un saut dans l’imprévisible et surtout selon les règles de ceux qu’ils disent combattre; car, participer à des élections au Togo, quelles qu’elles soient, n’a jamais été un fleuve tranquille.

Nous nous réjouissons du fait que la coordinatrice de la DMP ait dénoncé, dans l’entretien sur la radio de la place, le fait que le recensement électoral, la mise sur pied de la CENI, des CELI, et beaucoup d’autres étapes, relatives à l’organisation des élections, aient été déjà effectués de façon unilatérale par le pouvoir en place. Elle a également affirmé que sa nouvelle mouvance politique, la DMP, aurait adressé un courrier au chef de l’état Faure Gnassingbé. Qu’est-ce qui est dit dans le courrier? Nous ne savons pas. Selon la coordinatrice de la DMP des courriers auraient également été adressés aux états-majors d’autres partis politiques de l’opposition. Après la dislocation de la coalition des 14 formations politiques (la C14), et après les péripéties liées aux élections présidentielles de février 2020 suivies du climat de méfiance et surtout de haine entre la DMK et l’ANC, ce serait la première fois qu’une nouvelle initiative soit prise pour un nouveau regroupement des partis politiques qui avaient pris sur eux de mettre fin au régime de dictature. Selon les informations en notre possession, receuillies auprès de nos sources pas très loin de la DMP, des formations politiques de l’opposition, pas des moindres, la plupart anciens membres de la C14, auraient été contactées pour des premières discussions.

C’est un secret de Polichinelle que l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) et la DMK se regardent ou se regardaient en chiens de faïence à cause des prises de position de Monseigneur Kpodzro pour soutenir Agbéyomé Kodjo au scrutin présidentiel de 2020, qui n’avaient pas plu aux responsables du parti orange. Pouvons-nous aujourd’hui espérer que la hâche de guerre sera enterrée des deux côtés? Le retour des exilés, dont principalement Kpodzro, Agbéyomé, Atchadam et Olivier Amah, la libération des prionniers politiques doivent être les premiers objectifs à atteindre pour la nouvelle coalition de l’opposition que nous souhaitons de tous nos voeux.

Aucune formation politique, que ce soit l’ANC, le PNP, la CDPA ou tous les autres partis politiques se réclamant de l’opposition, ne peut à elle seule mener le combat pour la libération du peuple. Depuis 1990 les exemples pour le démontrer sont nombreux. C’est pourquoi, pour atténuer l’impact négatif au sein de l’opinion au Togo de ce que nous considérons comme une humiliation, un coup de poignard portés au prélat de 93 ans par les anciens membres de la DMK, Brigitte Adjamago et la DMP doivent rapidement prouver, à travers les actes qu’ils poseront dans les jours prochains qu’ils sont animés de bonnes intentions. Espérons vivement que ces premiers pas prometteurs des acteurs de la Dynamique pour la Majorité du Peuple (DMP) qui ont commencé à tendre la main pour ratisser large, fassent en sorte que des partis politiques comme l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC), en retrait depuis quelques années pour diverses raisons, ou le Parti National Panafricain (PNP), malgré la persécution tous azimuts dont cette formation est victime, reviennent à de meilleurs sentiments, pour reprendre dans un groupe solide le combat pour la fin de la dictature au Togo, là où ils l’avaient laissé.

Samari Tchadjobo
Allemagne

Samari Tchadjobo | Photo: S.T.