L’ex-CEMA, le Général Abalo Félix Kadanga et son boss et beau-frère Faure Gnassingbé | Photo: RoT

Le Général Abalo Félix Kadangha est sous les verrous. L’ancien Chef d’Etat-Major Général des FAT a été arrêté et gardé à vue. Une situation inédite. Mais la meilleure issue est celle d’une justice qui constituera un début de la fin de l’impunité. Ce serait bien dommage si la situation actuelle ne contribue qu’à un règlement de comptes.

L’information s’est répandue comme une trainée de poudre. En fin de semaine dernière, on apprend l’arrestation de l’ancien Chef d’Etat-Major Général des Forces Armées Togolaises, le Général Abalo Félix Kadanga. Il serait en garde à vue, pour les besoins de l’enquête, comme on a l’habitude de le dire. C’est tout ce que l’on sait. Jusqu’à présent, il y a un silence de cimetière qui entoure les conditions de cette arrestation du Général. Il en est de même des raisons. Ce qui donne libre cours à des interrogations. Beaucoup se demandent si l’ancien chef d’Etat-Major a tenté de descendre Faure Gnassingbé de son fauteuil présidentiel.

Au-delà des questionnements que suscitent cette arrestation, la principale leçon à tirer par ceux qui font du zèle aujourd’hui est que tout peut arriver à tout le monde, à tout moment. C’est la loi non seulement de la nature, mais aussi de tout régime militaire à facette civile. Depuis la nuit des temps, il en a toujours été ainsi.

Cette descente aux enfers a commencé depuis quelques années. Le 06 décembre 2020, à la surprise générale de tous, on annonce la fin de règne du Chef d’Etat-Major Général des FAT. Il est démis de ses fonctions et remplacé par Dadja Manganawé, promu Général de Brigade. A partir de cet instant, l’homme fort de l’armée togolaise a été affaibli. Des sources le disaient en résidence surveillée jusqu’au mois de mars 2021 quand il est porté à la tête de la Commission nationale de lutte contre la prolifération, la circulation et le trafic illicites des armes légères et de petit calibre (CNLPAL). A ce poste, le Général aura réussi à reprendre des centaines d’armes au sein de la population et qui ont été ensuite détruites. Une prouesse qui laisse interrogateur.

Un passage des armes lourdes et de guerre aux armes légères, c’était une véritable humiliation. Malgré les commentaires élogieux faits à son endroit par certains médias, la situation a confirmé les informations selon lesquelles les relations entre l’ex-Chef d’Etat-Major et le président de la République sont très froides. Leur collaboration aurait pris un coup suite à de multiples désaccords sur certains sujets qui constituent une arête dans la gorge du chef.

L’homme de « PAIY »

Abalo Félix Kadanga n’est pas un enfant de cœur. Il est connu comme celui-là qui a orchestré ou conduit l’arrestation de Kpatcha Gnassingbé suite à la « fusillade de Pâques » en avril 2009. Dans la nuit du 12 avril de cette année-là, il était à la tête des militaires de la Force d’intervention rapide (FIR) dont il était le Commandant. Son zèle dans le dossier de l’atteinte à la sureté de l’Etat lui a sans doute valu l’ascension non seulement dans le cœur de Faure Gnassingbé, mais aussi dans la hiérarchie militaire.

Le Général Kadanga, c’est aussi de forts soupçons de crimes. En décembre 2018 par exemple, l’homme a été aperçu dans une vidéo qui a été filmé par un journaliste sur un théâtre de manifestation. Ce jour-là, un enfant de 12 ans, apprenti mécanicien du nom de Moufidou Idrissou a été visé et tué par balle. Alors que ceux qui voulaient défendre le Général le disaient hors du pays dans le cadre d’une mission des Casques bleus de l’Onu, l’information est démentie par le ministre de la Sécurité et de la protection civile. Intervenant dans le journal de 20 heures sur la télévision nationale, le ministre de la Sécurité a confirmé la présence du chef d’Etat-Major sur le lieu du crime. A partir de cet instant, les Togolais ont tiré leur conclusion quant à l’auteur du crime.

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En tant que chef d’Etat-Major général de 2013 à 2020, le Général Kadanga est aussi responsable moral pour les bavures et crimes commis par les militaires durant cette période. Après son arrestation, on est en droit de se demander s’il va répondre de tous les crimes dont on le soupçonne ou s’il va bénéficier, comme la tradition dictatoriale l’exige, de l’impunité. Et pour cause, dans les conditions actuelles, avec un flou absolu sur les raisons de cette arrestation, les supputations ont le vent en poupe. S’agit-il d’un règlement de compte ou d’une véritable procédure judiciaire ? Le meilleur aboutissement de cette affaire serait celui d’une justice véritable. Une procédure dans laquelle les droits de la personne interpellée seront respectés ainsi que ceux de ses présumées victimes. La justice doit faire la lumière sur sa responsabilité dans l’assassinat du jeune Moufidou Idrissou ainsi que dans les autres crimes et bavures commis par l’armée sous ses ordres. Si tel n’est pas le cas, ceux qui se réjouissent aujourd’hui de l’arrestation du Général Kadanga le font en vain.

G.A.

Source : Liberté / libertetogo.info