Patrice Talon du Bénin (g)vs Faure Gnassingbé du Togo | Infog: 27avril.com

Deux cent deux (202) millions de dollars, environ cent trente-sept (137) milliards FCFA. C’est le pactole dont vient de bénéficier le voisin béninois de la part des Etats-Unis d’Amérique, dans le cadre du Millenium challenge account (MCA), notamment le programme Compact. Le nième décaissement au profit de ce pays. Pendant ce temps, au Togo, on se contente du folklore et des écrans de fumée…

Mis en œuvre depuis les années 2004 par le gouvernement américain, le MCA dote les pays éligibles de fonds à investir dans divers domaines dans le but ultime de réduire la pauvreté, d’impulser la croissance économique des pays qui remplissent les critères d’éligibilité. Bien des pays africains en ont bénéficié depuis lors.

Des conditions d’éligibilité

Pour candidater, un pays doit d’abord passer un test de l’organe de gestion, le Millenium challenge corporation (MCC). Les critères d’éligibilité portent sur la liberté économique, l’investissement dans le capital humain, la gouvernance et comprennent vingt (20) indicateurs calculés à partir d’indices provenant d’institutions telles que la Banque Mondiale, la Fondation Héritage et le Fonds Monétaire International (FMI), l’UNESCO, l’OMS, Transparency International. Lorsqu’un pays obtient suffisamment de points, il est élu au programme Threshold (Seuil) lui donnant accès à un décaissement devant lui permettre d’opérer les réformes structurelles que le MCC juge nécessaires pour accéder à l’éligibilité complète, donc au programme Compact. Le Threshold se veut donc un pré-Compact.

Lorsqu’un pays valide dix (10) indicateurs dont obligatoirement celui portant sur la maîtrise de la corruption et les droits démocratiques, il passe à l’étape suivante, signe avec le MCC un Compact spécifiant un programme donnant droit au financement. Une équipe de consultants américains accompagne généralement le pays candidat dans l’élaboration de la proposition de programme, en l’orientant vers les secteurs les plus pertinents pour l’ouverture du pays aux investisseurs étrangers. Quand les négociations sont concluantes et que l’accord de don (Compact) est approuvé, les ressources sont accordées au pays pour financer les activités retenues.

Le programme est mis en œuvre sur cinq (05) ans et une évaluation positive donne droit à un programme supérieur et donc à des fonds plus consistants. Cet accord de don est toutefois susceptible de suspension ou d’annulation lorsque le pays bénéficiaire s’écarte de l’orientation de base de l’accord cadre. Ainsi, le financement fourni au Nicaragua a été interrompu quand les sandinistes ont été élus au pouvoir. Ce fut également le cas de Madagascar en 2009 lors du coup d’Etat qui déposa le Président Marc Ravalomanana. Washington a également décidé de suspendre son accompagnement au Burkina, à la suite du coup d’Etat de janvier dernier. Ce n’est pas le tout récent ayant porté au pouvoir le Capitaine Ibrahim Traore qui arrangerait ses affaires.

137 milliards de FCFA pour le Benin

C’est la cagnotte que les Etats-Unis viennent en effet de concéder au Benin, au crédit du MCA. Concrètement, il s’agit d’un Compact régional concocté avec le Niger et consacré au transport, d’une valeur de cinq cent quatre millions (504) millions de dollars en tout, environ trois cent quarante-un (341) milliards FCFA. Il a été approuvé à l’unanimité le 27 septembre 2022 par le Conseil d’administration du MCC lors de sa réunion trimestrielle. On parle du tout premier programme de subventions concomitant d’envergure régionale.

Réduire les coûts de transport le long du corridor reliant le port de Cotonou à Niamey, tel est l’objectif de ce programme. Dans cette cagnotte, c’est un total de 202 millions de dollars qui revient au Bénin tandis que le Niger prend 302 millions de dollars. Ces investissements devront être soutenus par des contributions d’un montant combiné de 15 millions de dollars de la part du Bénin et du Niger et les ouvrages réalisés sont censés bénéficier à environ 1,6 million de personnes, nombre qui augmenterait avec la mise en œuvre des réformes politiques et institutionnelles au niveau du passage frontalier. « En construisant les infrastructures matérielles et immatérielles nécessaires favorisant l’abaissement des barrières commerciales de Cotonou à Niamey, ces deux pays partenaires seront à même de jeter les bases qui permettront aux communautés rurales et aux corridors commerciaux multinationaux d’amorcer une croissance beaucoup plus rapide, de créer plus d’opportunités d’emplois et d’attirer des investissements supplémentaires du secteur privé», a indiqué Alice Albright, Présidente-Directrice Générale du MCC.

La concession de ce Compact Régional de Transport Bénin-Niger s’appuie sur le succès des programmes de subventions actuels et antérieurs du MCC dont ont bénéficié les deux pays avec un montant total estimé à 1,1 milliard de dollars. Lesdits programmes du MCC au Bénin prennent en compte le secteur de l’électricité et le port de Cotonou, tandis que les programmes d’investissement de l’agence au Niger concernent les secteurs agricole et routier. Côté Benin, on compte utiliser ce pactole pour dédoubler l’axe routier Bohicon-Dassa-Zoumè distant de 83 km, selon le communiqué du Conseil des ministres du mercredi 28 septembre. C’est la principale voie permettant de raccorder le sud, le centre et le nord du pays et qui connait au quotidien un trafic énorme, avec un flux conséquent de gros porteurs assurant les échanges commerciaux entre le Bénin et le Niger. La construction de cet axe en 2X2 voies devrait permettre de fluidifier le transport et de mettre fin à l’interruption répétée du trafic provoquée par les accidents. La mise en œuvre du projet devrait également faciliter les échanges sur le corridor.

Folklore permanent et boucan au Togo

Opérer les réformes essentielles, épouser les normes démocratiques…c’est (simplement) ce qui est demandé aux pays candidats au MCA. Eligible depuis 2004 au Compact, le voisin de l’Est a validé la plupart des indicateurs définis en un laps de temps et signé son premier accord de don avec les USA en février 2006 sous le Président Boni Yayi. Même avec les dérives (sic) reprochées à Patrice Talon qui ont écorné l’image d’exemple démocratique du Benin dans la sous-région, il a maintenu le cap et la manifestation palpable, c’est le dernier décaissement au registre du Compact régional de transport avec le Niger. Sous d’autres cieux, on fait donc du concret. Mais ici au Togo, on s’entiche du boucan, du folklore, des écrans de fumée.

Pour bénéficier du Compact et ses financements conséquents, il faut simplement valider les indicateurs bien définis, en tout cas les essentiels. Cela demande une bonne dose de volonté politique. C’est ce qui manque justement au Togo. Ici, on préfère la propagande, le tapage médiatique…La pratique consiste à organiser des voyages intempestifs à Lomé ou à Washington avec de fortes délégations pour tenter de séduire les décideurs du MCC. C’était encore le cas en juin dernier où le Togo est allé, dit-on, faire le point des avancées du programme Threshold. La délégation était alors composée de Cina Lawson, ministre de l’Économie numérique et de la Transformation digitale, Christian Trimua, ministre des droits de l’Homme, Frédéric Hegbe, Ambassadeur du Togo aux USA, Stanislas Baba, Conseiller spécial et Jeanne Bougonou, Directrice Générale du Millénium Challenge Account Togo. A cette occasion, de bien jolis discours ont été encore servis. A côté, on adore le lobbying, en requérant les services d’économistes de renom pour jouer les intermédiaires, prendre des raccourcis. Entre-temps, le Togo était célébré comme le meilleur réformateur du continent et des jubilations organisées. Mais tous ces efforts semblent vains.

Depuis que le Togo a débuté son processus MCA, il n’a pu arracher qu’un Treshold. Le décaissement(récent) est de trente-cinq (35) millions de dollars, environ vingt (20) milliards de FCFA à l’époque, spécifiquement destiné à accompagner le pays dans la réforme et l’amélioration du secteur des TIC et du foncier. Très maigre consolation par rapport à ce dont bénéficie le voisin béninois. Le Benin avait bénéficié des premiers décaissements en 2006, au registre du Compact I. Un second accord d’un montant de 375 000 000 de dollars US, environ 250 milliards à l’époque fut signé le 09 septembre 2015 et sa mise en œuvre est terminée en juin dernier, mais elle a été prorogée de douze mois. Les 202 millions de dollars du Compact régional, dit-on, sont partie intégrante du Compact III que le MCC devrait concéder au pays de Patrice Talon. Ces fonds permettent au pays de se développer, parfois même aux dépens du Togo. Le dédoublement de l’axe routier Bohicon-Dassa-Zoumè, comme indiqué plus haut, devrait faciliter la circulation aux gros porteurs reliant le pays à ceux de l’hinterland et ils préféreront passer par cette voie plus large et confortable que l’axe Lomé-Dapaong au Togo réputé accidentogène. C’est le Port de Lomé qui en pâtira. Mais au sommet, on n’en a cure.

Source : L’Alternative / presse-alternative.info