Le ministre de la Justice Pius Agbotomey et son fils Jerry | Extrait de la Une de L’Alternative

La Justice togolaise est un grand corps malade, à l’image de l’ensemble du pays et les justiciables ne cessent de faire son procès tous les jours. Instrumentalisation à des fins politiques, impartialité, corruption, etc. Le réquisitoire à l’endroit des juges et des auxiliaires de justice est assez sévère quoi qu’il existe, et il faut le souligner, quelques hommes et femmes dans le système judiciaire qui font l’effort de rester intègres. La justice togolaise est devenue une plaie, une justice au service des acteurs qui ne cherchent qu’à s’enrichir au détriment des justiciables.

Aujourd’hui devant les tribunaux au Togo et ce, dans toutes les juridictions, c’est beaucoup plus l’argent qui fait gagner les procès et non les arguments. Certains auxiliaires de justice, notamment les avocats n’en peuvent plus de cette corruption galopante, ostensible quiles fait passer pour des incompétents à chaque fois qu’ils perdent un procès dont l’issue est connue d’avance. Nous sommes en face d’un naufrage d’une justice qui devrait être le dernier rempart des citoyens.

Face à ce tableau, on n’en peut plus de ce système judiciaire sinistré et exsangue malgré les milliards injectés par les partenaires pour sa modernisation. Il est attendu du gouvernement une réaction à la hauteur de la gangrène. En dehors des discours, des professions de foi, le pouvoir politique n’engage aucune action pour l’assainissement de ce secteur, et à juste titre, parce qu’il est le principal instigateur de l’instrumentalisation de cette justice à des fins de règlements de comptes politiques. La plupart des magistrats au Togo sont devenus des instruments politiques que des acteurs d’une justice indépendante au service du justiciable. Les juges sollicités par les tenants du pouvoir à faire le sale boulot, se permettent de constituer à leur tour leurs propres réseaux pour gérer les affaires juteuses devant les tribunaux. C’est ainsi que le phénomène des démarcheurs à la justice togolaise a pris une proportion inquiétante.

Aujourd’hui, et c’est un secret de polichinelle, chaque juge a son ou ses démarcheurs ou apporteur (s) d’affaires qui amènent les dossiers et au terme des procès arrangés ils se partagent les ristournes. La pratique est devenue récurrente et généralisée à la grande désillusion des opérateurs économiques, des hommes et femmes d’affaires, bref des justiciables qui n’arrivent pas à comprendre la descente aux enfers de la justice togolaise. Dans la catégorie des démarcheurs qui font la pluie et le beau temps devant les tribunaux, il y en a qui sont envoyés par certaines autorités politiques et militaires, du moins bénéficient de leur protection au point de partager les mêmes bureaux que des juges, au vu et au su de tout le monde.

Jerry Agbetomey, le fils du ministre de la justice squatte les bureaux des magistrats et traite des dossiers

Puis Agbetomey ; magistrat, ministre de la Justice depuis plusieurs années, ne manque aucune occasion pour dénoncer les travers de la Justice, les magistrats indélicats, bref de faire un procès des acteurs du système judiciaire sans apporter aucune solution. Ses nombreux réquisitoires n’ont jamais connu de suite. Lorsqu’on diagnostique un mal, il faut y apporter des solutions. Mais on assiste à des dénonciations sans suite. Dans ce système pourri, gangrené, vampirisé, entretenu à dessein par les sommités de l’Etat, on découvre un démarcheur particulier qui porte le même nom que le ministre de la Justice et Garde des Sceaux.

Jerry Agbetomey, fils du ministre de la Justice, dispose déjà d’un bureau au palais de justice de Lomé aux cotés de certains juges. Il n’est ni magistrat, ni greffier, ni stagiaire, encore moins un auxiliaire de justice, mais il dispose d’une place dans les bureaux des juges et traite les dossiers avec eux depuis bientôt trois ans. Il était dans le bureau du 2è substitut du procureur Mawama, nommé comme par hasard Directeur du cabinet de son père depuis un moment. Il a passé, selon nos sources, presqu’un an dans ce bureau. Ensuite il a rejoint le bureau du juge commercial et civil Edoh où il a passé presque 10 mois avant d’atterrir depuis un moment dans le bureau d’un autre juge commercial et civil, M. Agboli. Sa présence suscite étonnement, et agace plus d’un au parquet; mais personne n’a le courage de lever le petit doigt pour dénoncer cette anomalie. Il s’approprierait les dossiers du Parquet, se permettrait même de rencontrer certains justiciables pour leur proposer des deals. Sa présence n’est d’ailleurs pas discrète, bien au contraire. Il faut préciser que le fils du ministre de la Justice vient de s’inscrire à l’ISDI (Institut supérieur de droit et d’Interprétariat situé à Attikoumé), un moyen de trouver un diplôme pour légaliser sa présence dans les arcanes judicaires. Nous avons tenté de joindre Jerry Agbetomey pour le soumettre à une série de questions. Nos appels sont restés sans suite. Il finit par envoyer un message disant de lui envoyer des SMS. La série des questions envoyées par SMS n’a pas eu de suite.

En dehors de Jerry Agbetomey, il y a aussi une dame communément appelé « Bellavi » qui trône au parquet. Elle fait office, à ce qu’on aperçoit souvent, d’assistante à un autre substitut du procureur que nous nous gardons de citer ici. Elle se permet de conduire des débats lors de certains déferrements et a un accès direct aux dossiers des citoyens, ce qui est une grave atteinte aux droits des justiciables. Le Procureur de la République assiste impuissant à ce phénomène, certainement parce que cette dame est envoyée ou protégée par un puissant dans l’appareil étatique. La Rédaction a également tenté à plusieurs reprises d’entrer en contact avec cette dame, sans réponse aux appels directs et sms.

Nous avons interpellé le Procureur de la République Blaise Essolizam Poyodi, pour comprendre les dessous de cette dérive au Parquet dont il est le patron. Sur la présence de cette dame Bellavid ans le bureau du 3è substitut(entre-temps devenue 4e) le juge Assiou, voici sa réaction : « Elle est stagiaire, on ne peut pas dire qu’ellesiège. Elle est stagiaire, ça ne veut pas dire qu’elle prend des décisions, qu’elle gère les dossiers, non. Même si elle doit poser un acte, c’est sousl a responsabilité du 4e substitut, en tout cas, elle est stagiaire ». Sur l’implication de la dame dans les dossiers de déferrements, voici la réponse du Procureur de la République : « Non, en tout cas, bon, je ne peux pas dire que ce n’est pas vrai. Je ne suis pas dans le bureau. Mais si c’est avéré ce que vous dites, je vous dis que ce n’est pas normal. Je vais interpeller le substitut pour voir. Elle ne doit rien faire. Juste peut être on peut lui remettre un dossier pour ranger, mais pas quand même diriger les débats. Je vais vérifier ça».

Cette réaction du Procureur de la République qui atteste de la présence de cette dame dans le bureau du substitut appelle à ce commentaire. D’abord pour être stagiaire au parquet, il faut remplir deux conditions. La première, avoir une maitrise en droit ou un master selon le système LMD. Ensuite, avoir réussi au concours de l’ENA option magistrature. De nos recoupements, cette dame n’a pas fait le droit et donc n’a pas sa place à cet endroit. Il faut préciser qu ‘actuellement, dans chaque bureau au parquet, il y a des personnes qu’on appelle auditeurs de justice, c’est-à-dire des stagiaires envoyés par l’ENA pour la préparation de leur mémoire en vue de la soutenance. Ce n’est qu’après leur soutenance qu’ils pourront intégrer le corps des magistrats. La dame en question n’est dans aucun des deux schémas. La vie privée des citoyens qui doit être préservée par la justice est donc laissée dans les mains des personnes non qualifiées. Enfin si le chef du parquet soutient qu’elle est stagiaire, l’on se demande quel stage elle fait depuis trois ans (3 ans) au parquet de Lomé, sachant selon nos informations qu’un stage option magistrature ne peut excéder 4 à 6 mois.

Nous avons également appelé à plusieurs reprises le président du Tribunal de Lomé, Kossi Kutuhin sur le cas du jeune Agbétomey. Les appels et sms sont restés sont restés sans suite.

Voilà une partie de la triste réalité de la justice togolaise, et ce n’est que la face visible de l’iceberg. Le chien du roi est le roi des chiens, dit-on souvent. Le père est ministre de la Justice, Garde des Sceaux. Le fils dispose des passe-droits et peut s’improviser magistrat sans avoir la formation ni la compétence et se mêler des dossiers de justice sans que les magistrats eux-mêmes ne lèvent le petit doigt. Les acteurs de la justice eux-mêmes (magistrats, procureurs, avocats, etc.) sont impuissants face à ce phénomène.

Pour l’heure, Jerry Agbetomey, le fils du ministre de la Justice encore étudiant continue de s’immiscer dans les dossiers des justiciables. Que personne ne soit surpris si un jour un mécanicien, un maçon ou un menuisier se retrouve dans les bureaux des juges du parquet ou du siège pour traiter les dossiers des justiciables. Ainsi va le Togo, dans l’indifférence de tous.

Source : L’Alternative